— Superstition — La superstition a un intérêt triple :

1°) L'étude de l'ensemble des superstitions d'un peuple renseigne assez sûrement sur ses origines et la structure de son inconscient collectif.

2°) L'étude du comportement superstitieux d'un individu est plein d'intérêt au point de vue psychologique et psychiatrique. De plus, c'est un facteur fidèle d'appréciation du taux d'évolution (voir ce mot).

3°) Enfin, l'histoire des superstitions permet toujours de découvrir quelque mythe valable. A ces trois titres, l'étude des superstitions présente un triple intérêt médical, ethnologique et mythologique.

Du point de vue de la nomenclature, on peut ranger les superstitions d'après leur
origine (celles qui proviennent d'un fait accidentel comme le discrédit de l'opale à la Cour de Russie depuis que le collier d'opales de l'Impératrice, baigné du sang de l'Empereur assassiné, fut proscrit des coffres des bijoux impériaux.
Celles qui proviennent d'un interdit
religieux.
Celles qui proviennent d'un interdit
social, etc...), on peut les ranger d'après leur destination (présages, superstitions liées au désir d'obtenir un résultat donné, etc.,.(, ou encore par leur nature (procédé magique, indice analogique, défense spirituelle, etc...).
On peut encore les classer par ordre alphabétique, ce que nous nous bornerons à faire ici, en notant à l'occasion leur nature, leur origine ou tous renseignements de cet ordre.

Aigrette de Scilla. — Assure à celui qui la porte un heureux destin (analogie mythologique).

Alliance. — Lorsque devant l'autel le mari n'arrive pas à passer l'anneau au doigt de sa femme le jour du mariage, il n'aura pas d'autorité dans le ménage (analogie).

Anneau. — Un rond de fumée annonce un baiser (symbolisme de l'alliance) — Un rond à la surface du café quand le sucre fond annonce de l'ar(symbolique du cercle) ; annonce aussi le beau temps (symbolisme du calme).

Araignée. — Voir dans l'encyclopédie  à ce mot.

Arc-en-ciel. — En voir un porte bonheur (réminiscence de la légende d'Iris et du Déluge).

Bigle. — Rencontrer le matin une personne qui louche est de mauvais augure (idem pour toutes les anomalies. Présage analogique. Voir aussi dans cette même liste au mot Matin).

Bois. — Toucher du bois conjure tous les mauvais sorts, s'il est rond et non verni (c'est-à-dire du bois vivant. C'est un reliquat de pratiques magiques dont relève aussi le transfert magique des maladies aux arbres. Voir Arbres dans l'encyclopédie ésotérique).

Bris. — Voir dans cette même liste les mots Miroir et Œuf. Le bris de verre blanc porte bonheur (par opposition au miroir). Briser en la tirant en deux la « fourchette » du poulet décide lequel des deux vœux se réalisera (pratique mantique).

Bruyère. — En recevoir est présage de mort (vient d'un rite funéraire antique).

Chandeleur. — Retourner une crêpe en ayant une pièce d'or dans la main (magie par les semblables) assure prospérité.

Chapeau. — Si le vent ou un heurt jette le chapeau au sol, il faut se garder de le ramasser, sous peine d'ennuis graves (superstition populaire thibétaine, fondée sur le fait que les génies habitent volontiers les chapeaux de rencontre). Mettre son chapeau sur un lit présage de disputes (présage provenant peut-être du fait que les hommes jettent leur coiffure avant de se battre).

Chat noir. — Voir un chat noir traverser la rue perpendiculairement aux trottoirs annonce un malheur (superstition des U. S. A.) (symbolique de la route barrée par du noir). En général, le chat noir porte bonheur.

Chemise à l'envers. — Signe de cadeau (?).

Cheval. — Un cheval bai, deux chevaux blancs sont de bon augure (voir dans cette même liste les mots Fer à cheval et Pie, et dans l'encyclopédie ésotérique, le mot Arzel).

Cheveux. — Chez les couturières, il est de coutume de coudre ses cheveux dans l'ourlet d'une robe de mariée si l'on veut se marier dans l'année (magie de participation). Voir aussi au mot Chute de cette liste. Les jeunes filles s'arrachent un cheveu, le pincent avec l'ongle sur toute sa longueur, et pensent être d'autant plus aimées que le cheveu est frisé plus serré (pratique mantique).

Chouette. — Voir ce mot dans l'encyclopédie ésotérique.

Chute. — Ciseaux qui tombent présagent d'un nouveau travail (sans doute parce qu'ils tombent lorsque la couturière se lève). Dans les croyances d'atelier de couture, on dit aussi d'un objet qui tombe qu'il plaira (cela vient peut-être du double sens du mot gefallen, en allemand : plu et tombé). La chute d'un démêloir annonce désappointement selon une superstition anglaise (à rapprocher de tous les actes manqués du matin). La chute d'un couteau ou d'une cuiller annonce la visite d'un monsieur ou d'une dame (le symbole sexuel est clair). Le peigne ou l'épingle à cheveux révèlent en tombant « la pensée de quelqu'un ».

aCoccinelle. — Talisman. Doit ses vertus à son attribution au « Bon Dieu ».

Contre-charmes. — Se tenir les pouces. Tourner autour de sa chaise. Croiser les mains. Toucher du bois. Changer de pavé. Cracher par terre et compter jusqu'à treize. Faire les cornes avec les doigts. Jeter du sel par dessus son épaule gauche. Réciter un Pater et un Ave. Déchirer un papier. Se signer.

Corbeau. — Ses croassements sont de mauvais présage (reliquat des Augures).

Coude. — Se cogner le coude annonce un présent (le gauche seulement).

Coucou. — L'entendre assure fortune si l'on a de l'or dans la main (magie des semblables). 

Croix. — Deux couteaux en croix, une poignée de mains en croix sur une autre, sont signe de deuil (symbolique mortificatoire de la croix).

Dents. — Pour préserver du mal de dents, il faut porter une dent de cheval dans sa poche (voir au mot Signature dans l'encyclopédie ésotérique). On appelle dents de chance, les incisives écartées (origine inconnue).

Échelle. — Passer sous une échelle porte malheur (simple mesure de prudence érigée en superstition ?).

Etoile filante. — Un vœu est exaucé quand il est formulé pendant le passage d'une étoile filante (sens bénéfique de l'étoile).

Eunuque. — La rencontre d'un eunuque est de mauvais augure (présage persan fondé sur l'analogie de la stérilité).

aFer à cheval. — Doit être trouvé sur un chemin, porter au moins un clou et la place pour plus de six clous. Porte bonheur (talisman participant des vertus bénéfiques du cheval. Les conditions imposées signifient simplement qu'il ne doit s'agir ni d'un fer de mulet, ni d'un fer neuf, ni d'un fer transmis).

Foin. — En rencontrer trois charretées sur la route présage l'abondance (superstition analogique).

Gauche. — Des battements dans la paupière gauche annoncent de bonnes nouvelles. Des sifflements dans l'oreille gauche indiquent qu'on dit du bien de vous (si c'est l'oreille droite, c'est du mal ; dans ce cas, mordez-vous le doigt et celui qui parle se mordra la langue). Origine générique : le côté gauche est le côté du cœur. Origine psychologique : le côté gauche exprime la vie affective, le droit la vie sociale.

Gemmes. — Pour les gemmes, voir les mots correspondants l'encyclopédie ésotérique. Il s'agit en général de vertus analogiques.

Gui. — Porte bonheur (talisman dérivant du culte druidique). Voir aussi à Mariage dans cette même liste.

Guigne.— Prononcer ce mot appelle la guigne (une superstition analogue courait au Moyen Age concernant le Diable). (Procède d'un rite d'évocation.)

Lapin. — Une patte de lapin porte bonheur (fétiche aux U. S. A.).

Lumières. — Une lampe qui s'éteint brusquement annonce une mort (ancienne croyance en les démons qui avaient ce double effet). Trois lumières allumées dans la même pièce présagent un grand malheur ; trois cigarettes allumées à la même allumette annoncent le décès du dernier ou du plus jeune (on donne à la chose l'origine anecdotique des trois soldats allumant leur pipe devant un créneau : c'est une illustration et non une origine). Éteindre toutes les bougies d'un gâteau d'anniversaire assure la réalisation d'un vœu ; souffler l'allumette tenue par quelqu'un est un aveu d'amour (symbolisme de la captation de la flamme, avec tous ses sens populaires).

Lune. — Voir la lune brouillée à travers une vitre est de mauvais augure (présage fondé sur la lune maléficiée) qu'on conjure en brisant la vitre ou, à défaut, une grande feuille de papier blanc (conjuration magique procédant de l'envoûtement).

Main. — Pour préserver l'âne de toute maladie, il faut lui peindre au henné sur la croupe, une main de Fatma (en Égypte). (Voir au mot Main.)

Matin. — Casser son lacet de soulier avant de sortir (superstition grecque), être rappelé dès qu'on est sorti, ou rencontrer quelqu'un qui vous rappelle sur vos pas, présage d'une mauvaise journée (relève de l'analogie). Voir aussi dans cette liste au mot Bigle.

Mariage. — Une jeune fille qui pique une épingle dans le pied de la statue de saint Adrien (près Rouen) se marie dans l'année (noter que saint Adrien a eu les pieds broyés lors de son martyre, en 303 de notre ère. Le pied a, par ailleurs, un sens défini dans la symbolique psychanalytique). Dans une chapelle du Lot, les filles obtiennent le même résultat quand, en sortant de la chapelle, elles se rendent près d'une racine enjambant un ruisselet, et le franchissent en sautant à pieds joints, et à reculons (il s'agit d'une épreuve magique). Voir aussi au mot Cheveux de cette même liste.
Pour connaître en songe le visage de son futur fiancé, mettre un morceau de voile de mariée sous son oreiller (support magique). Pour se marier ensemble, s'embrasser sous le gui (reliquat de l'ancienne pratique du serment sous le gui). A Rocamadour, les jeunes filles lancent leur mouchoir avec l'espoir de l'accrocher à l'épée de Roland, fichée dans le roc. Si elles y parviennent, elles se marient dans l'année (symbolisme sexuel de l'épée et du mouchoir).

Melon. — Celle à qui échoit la queue du melon sera enceinte dans l'année (analogie phallique).

Merde. — Marcher dedans porte chance (symbolisme de l'or en psychanalyse) ; si l'on y met le pied gauche (côté bénéfique traditionnel). Dire ce mot à quelqu'un lui porte bonheur (même symbolisme).

aMiroir. — Briser un miroir présage d'un grand malheur — souvent une mort (croyance universelle procédant de ce que le miroir est le double). Lorsqu'un miroir se brise de lui-même, catastrophe imminente (présage fondé sur le fait que le destin se révèle, par des miroirs. Voir Catoptromancie) .

Naissances. — Naître un dimanche présage notoriété ou paresse (superstition d'ordre analogique). Naître coiffé indique chance et voyance (voir au mot Amniomancie).

Nez. — Démangeaison du nez présage rentrée d'argent. On dit aussi : « Un jeune voudrait vous embrasser, un vieux en meurt d'envie. »

Noces. — (Voir aussi : Alliance, dans cette même liste.) Une jarretière de mariée porte bonheur, ainsi qu'un morceau du voile (rite de participation).
Pluie, jour du mariage, fait un mariage triste (analogie). Quand une noce croise un enterrement, présage de divorce (par analogie).
Noces de mai présagent un bonheur bref (offense à la chasteté qui est de mise pendant le mois de Marie). Jeter du riz ou du vin sur des mariés leur assure fécondité (magie analogique).
En pays arabes : quand deux noces se croisent, il faut que le sang coule (il y a bastonnade générale).
Aux U. S. A., la mariée lance, à la sortie du temple, son bouquet derrière elle sans regarder. Celle des demoiselles d'honneur qui le ramasse se mariera dans l'année (magie de participation).

Objets piquants ou tranchants. — En offrir, rompt l'amitié (c'est pourquoi on transforme le don en achat). Offrir un rasoir présage séparation c'est le même sens (souvenir des pratiques d'envoûtement).

aŒuf. — Briser les coquilles d'œuf est aujourd'hui une règle de civilité. Ce fut longtemps une précaution, car le Diable venait les habiter (voir au mot Ame).

Pain. — Retourné, présage d'ennuis (offense faite au pain, qui est divin).

Pâques. — Ne pas mettre de vêtement neuf le jour de Pâques compromet ses chances. De même lorsqu'on porte du noir le 1er janvier (résidus d'impératifs rituels sanctionnés comme des sacrilèges).

Parapluie. — Ouvert dans une pièce porte malheur. En recevoir un, présage d'un départ (?),

Perle bleue — Conserve la bonne santé et le courage des ânes (talisman arabe dérivant de la symbolique arabe des pierres).

Persil. — Doit se semer. S'il est repiqué, il y aura un deuil dans l'année (vient d'un rite impératif aujourd'hui oublié, qui enjoignait de semer du persil pendant la semaine sainte).

Pie, — Une pie à terre porte malheur (symbolisme du noir, car à terre cet oiseau paraît noir) ; une pie volante porte chance (de dessous, elle apparaît blanche). Deux pies annoncent mariage (comme deux chevaux blancs, pour les mêmes raisons : le blanc et le couple).

Pièces de monnaie. — Il est de coutume, en Égypte, de mettre des pièces d'argent dans les fondations de la maison qu'on fait construire (rite magique fondé sur les qualités analogiques de l'argent. Voir au mot Lune).

Prêtres. — Rencontrer un curé est de mauvais présage (symbolique du noir). Rencontrer trois curés présage d'un mariage (symbolique du trois, dialectique créatrice). On détruit l'effet du présage (dans le premier cas) en touchant aussitôt une clef (signalé dans les études de symbolique maçonnique).
En Égypte, lorsqu'on rencontre un pope, il est de rigueur de cracher au sol, de porter la main aux testicules et de l'y laisser le temps d'avoir compté jusqu'à treize (le symbolisme phallique de la clef (voir ce mot) est bien connu ; le contre-charme de la clef et celui du geste usité en Égypte sont du même ordre. Cela autorise à se demander si cela ne justifie pas un rapprochement entre la signification qui s'attache à la rencontre d'un prêtre et d'un eunuque. Il y a trois sortes d'eunuques, dit le Christ...).

Ramoneur.— En rencontrer un porte chance (parce qu'il passe par la cheminée).

Saint-Jean. — Pour préserver un nouveau-né de toute maladie, il faut le rouler dans la rosée, au lever du soleil, le matin de la Saint-Jean (rite savoyard procédant de l'acquisition magique de la robustesse par analogie. Voir Vierge Noire, Vert).

Savon. — Le passer de main en main présage dispute (superstition italienne ; s'explique peut-être par les éternelles facéties des lavabos collectifs).

Sel. — Passer le sel de main à main porte malheur au dernier (sans garantie : il paraît que le sel fut, en ancienne Russie, signe de servitude, à cause du caractère pénal du travail aux mines de sel. Demander qu'on vous passe le sel était une injure et provoquait une correction brutale).
Répandre le sel présage un malheur (se rattache à une ancienne pratique rituelle magique et religieuse, le sel servant aux conjurations, comme cela se voit encore quand les superstitieux jettent du sel par dessus leur épaule gauche). Si le sel en tombant se mêle au poivre, il y aura dispute.
Le 1er janvier, il faut acheter du sel marin ; porté dans un sachet (avec une gousse d'ail), il préserve pour toute l'année (ancien philtre de protection). La cuisinière qui sale trop est amoureuse (donc distraite !).

Soulier. — Un soulier posé sur une table porte malheur (en Pologne) ou présage un départ (en France). Ce deuxième sens s'explique (faire ses bagages sur une table) et est sans doute à l'origine du premier.

Table branlante. — Annonce une fille à marier (analogie avec les danses de la période des accouplements des oiseaux).

Talismans. — Appartenant à la tradition populaire française : la bosse d'un bossu, le pompon d'un béret de marin, la corde de pendu (origine magique moyenâgeuse), coccinelle, trèfle à quatre feuilles, grillon, — le porc en Allemagne (d'où l'expression Swein haben), poil d'éléphant (voir ce mot à l'encyclopédie ésotérique), queue de lézard (origine magique ancienne), Main de Fatma, Saint Christophe. Et contre-talismans : œillets, bruyère, opale, etc...

Thé. — Un « chinois » flottant sur le thé annonce une lettre.

aTrèfle à quatre feuilles. — Talisman dont la valeur est due à sa rareté.

Treize. — Voir ce mot dans l'encyclopédie ésotérique.

Trouvailles. — Trouver un bouton dans la rue présage de bonnes affaires ; de même d'un sou percé (procèdent d'une analogie inverse de celle des mauvais signes du matin). Voir aussi dans cette liste : fer à cheval, trèfle à quatre feuilles, coccinelle.

Turquoise. — Talisman contre le mauvais œil en Orient.

Vert. — Voir dans l'encyclopédie ésotérique, à ce mot.

Vin. — Dans la bouteille de vin, des anneaux se formant dans le goulot sont signe d'argent (symbole général de l'anneau). Vin renversé sur une nappe porte bonheur si l'on s'en touche le front (à rapprocher du rite nuptial de l'aspersion au vin, gage d'abondance). En Grèce, pour avoir du bonheur, il faut jeter beaucoup de bouteilles vides par la fenêtre au 1er janvier (c'est l'effet pris pour symbole de la cause). De même, garder le bouchon du champagne comme fétiche (procède du même rapport analogique).