— Sibylles — C'est avec Héraclite et Pindare qu'est né le culte des Sibylles.
La Tradition rapporte que la naissance de ce culte correspondait à une réaction contre les prêtres d'Apollon, qui étaient devenus doctoraux. La première Sibylle inspirée des Dieux, dont la légende nous rapporte le souvenir, semble être Cassandre.
On situe sa vie au IVe siècle avant Jésus-Christ. La sibylle de Cumes, Saba, avait, selon la légende, apportée au roi des livres d'oracles qu'elle avait notés étant inspirée par les Dieux. Elle les aurait vendus à Tarquin qui fonda plus tard des collèges destinés à les conserver au Capitole.

Ces livres étaient tenus en grande considération par le Sénat qui y avait recours chaque fois qu'une décision importante devait être prise. La Tradition rapporte que la célèbre Sibylle de Cume ayant reçu d'Apollon le don de vivre autant d'années que sa main pouvait contenir de grains de sable, devint si vieille et si décharnée, qu'il ne lui restait plus que le son de la voix.

La Sibylle de Delphes, ville appelée aussi Pytho, semble avoir donné naissance au nom de Pythonisse. Elle rendait des oracles sur un trépied couvert de la peau du serpent Python et, lorsqu'elle était inspirée par les Dieux, elle entrait en fureur et parlait d'une voix basse et inarticulée.

Chez les Anciens, Delphes passait pour être située au milieu de la terre, Jupiter voulant en découvrir le lieu aurait lâché deux aigles qui volaient à la même rapidité dans deux sens différents. Ils se rencontrèrent à Delphes et c'est alors qu'on construisit un temple sur une pierre blanche marquant le nombril de la terre. Dans ce temple, les premiers oracles eurent lieu. On y honorait une divinité invisible qui transmettait à ceux qu'elle « enthousiasmait » ses présages ou oracles.


La Sibylle de Dodone, elle, interprétait le son d'une fontaine qui coulait en ce lieu. La légende rapporte qu'une colombe qui avait le don de la parole et qui fut donnée à Thèbes par Jupiter, s'échappa de cette ville et vint jusqu'à Epire, dans la forêt de Dodone où elle s'arrêta, disant aux habitants que Jupiter voulait que ce lieu devînt celui d'un oracle.
La prêtresse devint la Sibylle qui rendait aussi des oracles en interprétant les sons que produisaient des vases d'airain suspendus autour d'une statue du même métal en s'entrechoquant.

Samos, la Libye et l'Érythrée, avaient aussi des Sibylles d'une grande célébrité. Il est, d'autre part, fait allusion dans le chant liturgique
Dies iræ, au témoignage de la Sibylle annonçant la naissance du Christ : « Teste David cum Sibylla. »

Ce nom de Sibylle était déjà à l'époque de Platon, synonyme de celui de Pythie. Platon lui-même, dans Phèdre, écrit ceci : « Si nous voulions énumérer tous les heureux résultats obtenus par la Sibylle et les oracles en prédisant l'avenir, nous devrions trop nous étendre en rappelant des faits que chacun connaît. »
En Grèce, pour obtenir des oracles, on gardait dans des temples des femmes « possédées par Dieu » qui, après avoir, soit absorbé des herbes ayant des vertus spéciales, soit respiré des vapeurs d'origine volcanique, entraient dans un état de transe prophétique. En Béotie, existait aussi un oracle, à Lébade.

C'était un homme qui eut une réputation extraordinaire. Il rendait ses oracles après s'être purifié à une source et s'être approché d'un gouffre, ayant dans chaque main des galettes de miel destinées aux monstres infernaux cachés dans ce gouffre. Dès qu'il se penchait sur celui-ci, il était précipité dans ses profondeurs, puis rejeté sur la terre, inconscient.
A mesure qu'il reprenait ses sens, il énonçait d'une voix gutturale les visions qu'il venait d'avoir, visions prophétiques que des prêtres interprétaient. Un autre homme, qui possédait aussi un sens sibyllin, nommé Calcas ou Calchas, et qui était fils de Thestor, passait pour avoir reçu d'Apollon la science du présent, du passé et de l'avenir.

Au siège de Troie, l'armée grecque le prit pour grand prêtre et devin. Ayant vu monter sur un arbre un serpent qui, après avoir dévoré neuf petits oiseaux et leur mère, fut changé en pierre, il prédit que le siège de Troie durerait dix ans. Plus tard, c'est d'après ses oracles que les Grecs, décimés par la peste, purent la faire cesser. Sa destinée, qu'il connaissait, était de mourir dès qu'il rencontrerait un devin plus habile que lui. Ce destin se réalisa exactement quand il rencontra Mopsus, qui devina des énigmes qu'il n'était pas parvenu à déchiffrer

Il y aurait encore beaucoup à dire sur les Sibylles et les devins auxquels l'histoire les mêle. Du point de vue qui nous intéresse, disons en conclusion que les Sibylles sont des voyantes ou des illuminées. Leurs oracles sont généralement formulés sous une forme tellement incompréhensible que le mot
sibyllin a pris dans le langage courant le sens d'indéchiffrable.

Pratiquement, ce sont les prêtres qui créaient l'interprétation. Ils prolongeaient de leurs dons de voyance personnels ce que la Pythie n'avait pas formulé ; ils y combinaient aussi des dons politiques si nets que la partialité des oracles sollicités par les chefs militaires et civils éclata et qu'ils finirent par perdre tout crédit. C'est dans un tollé universel que s'abîma l'institution des Oracles sibyllins, après avoir pratiquement commandé aux destinées du monde hellène.