— Messe noire — Culte rendu à Satan, parodiant la Messe.

Elle se célébrait particulièrement au Moyen Age devant un autel surmonté d'un crucifix orné d'un Christ obscène, ou remplacé par un bouc ; les cierges étaient de cire noire, les hosties étaient également noires, souvent l'autel était orné de coupes contenant du sang figé, soit de la graisse humaine, soit des serpents entrelacés. Parfois une femme nue servait d'autel et la messe noire se célébrait sur son ventre.

L'assistance était composée d'individus divers, pactisant avec le diable, et de servants nus sous des soutanes ou chasubles brodées de symboles sataniques. Au moment de l'Offertoire qui s'accompagnait de fumées d'encens des encensoirs contenant des parfums divers, l'assistance était plongée dans une frénésie allant jusqu'au délire, qui s'achevait dans des luxures éperdues et souvent convulsives.

On sait que la pratique des messes noires n'a pas cessé, et qu'il s'en dit encore à Paris. Pour comprendre l'esprit qui les anime, il faut faire la part de la curiosité des uns, du goût pervers du sacrilège des autres et de toute une série de particularités psychiatriques de notre temps.

Cette signification, Grillot de Givry la propose sous la forme d'une explication génétique conforme, lorsqu'il parle de la sorcellerie en général : le Moyen Age, tenu dans l'épouvante par l'omniprésence de Satan, ne pourra trouver d'exutoire à son angoisse que dans la dévotion à ce même Satan qui semblait en fin de compte bien plus puissant que Dieu. Dieu avait pour ministres des hommes, la sorcellerie aurait pour prêtresses des femmes, etc...

La Messe noire correspond à un processus libératoire, et dans la mesure où le péché de la chair se trouvait au centre des préoccupations chrétiennes, la débauche de la chair devait faire le fond du culte à Satan. Autrement dit (voir la filiation de Vénus, Bacchus, Satan, au mot Diable), la Messe noire est, avec le Sabbat, la revanche de Vénus et de Bacchus. Il n'y a pas de civilisation qui puisse tenir en équilibre si tous les attributs de la nature humaine ne s'y trouvent à tour de rôle glorifiés et libérés. A chaque fois que le déséquilibre se produit, l'inconscient collectif réagit dans le symbolisme même des forces oppressives, et en en choisissant la contrepartie.

Cela posé, la Messe noire d'aujourd'hui continue à être, de la part de ceux qui s'y livrent en convaincus, une liquidation de l'interdit majeur chrétien à l'usage de ceux qui, croyant se dégager de l'Église, continuent à en porter le poids avec maladresse. Le culte à Satan, loin d'être une preuve de libération, témoigne d'un asservissement angoissé, alors que les plus libérés sont précisément les catholiques à esprit large. Ayant une signification liée purement et simplement à des angoisses individuelles, la Messe noire déçoit nécessairement celui qui y assiste en curieux. On peut dire, sans grande chance de se tromper, que les Messes noires, après avoir fait couler beaucoup plus d'encre qu'elles ne le méritaient, vont disparaître sous peu et définitivement.