— Voyance — Le mot voyance est consacré par l'usage et la chose est universellement connue. Néanmoins, quelques précautions vocabulaires. s'imposent :
1°) On peut préférer les expressions lucidité, extra-lucidité, etc. au mot voyance. Tous ces termes sont également mauvais en ce qu'ils couvrent des choses disparates dont quelques-unes n'entrent pas dans le fait de la voyance.
2°) Le mot voyance laisse supposer une analogie avec la vue et la vision, alors que dans la plupart des cas, le voyant connaît (ita) sans voir.
3°) Le mot ne distingue pas la voyance du présent, qui semble être du domaine des sensibilités, et la voyance de l'avenir, qui semble relever d'un sens spécial.
4°) Enfin, le mot désigne à la fois une faculté, un état, un mécanisme, le résultat de ce mécanisme, etc... ; une telle multiplicité de sens n'est pas propice à la clarté dans un domaine de cet ordre. Nous choisissons provisoirement d'appeler Faculté de Voyance, État de Voyance, Processus de Voyance, etc... les différentes acceptions du mot, et une voyance, le résultat de l'exercice de cette faculté.
Nous appellerons voyance ce qui se réfère au présent et au passé connu, voyance métapsychologique ou métavoyance, celle qui se réfère à des faits actuellement inconnus et plus particulièrement métavoyance prémonitoire celle qui concerne l'avenir. Un nouveau vocabulaire serait à forger. Nous en proposerons un pour terminer. D'une manière tout à fait générale, la voyance est le fait de savoir, sans le secours des cinq sens ni du raisonnement, des choses concernant une personne, un objet, un pays, une situation, etc... La forme la plus rudimentaire de voyance est la télépathie spontanée, et, dans l'ordre de la métavoyance prémonitoire, la prémonition.
La télépathie spontanée (voir au mot Télépathie) est le fait qu'une personne non préparée ait brusquement la notion d'être en communication, avec une autre ou avec une chose, de sentir et de savoir quelque chose, concernant cette personne ou cette chose.
La prémonition est le fait d'avoir la notion, à propos de quelqu'un ou de quelque chose, de ce qui va lut arriver. La forme la plus répandue est le rêve prémonitoire.
Exemples : un peintre de Genève, François Barraud, rêve que son frère Aurèle (qu'il n'a pas vu depuis longtemps) est dans une rivière, blessé, la tête émergeant seule de l'eau alors que des hommes armés le visent et tirent sur lui. Il raconte à sa femme ce rêve qui l'a impressionné. Vers la fin de la matinée, il reçoit la visite d'un ami d'enfance qui a fait exactement le même rêve et est venu tout exprès pour lui en parler. Après échange de lettres, Barraud apprend que son frère est blessé et hospitalisé, que la nuit du rêve, il passait la frontière avec un chargement de contrebande et fut obligé, cerné par les douaniers armés, de se jeter à l'eau. Il y a eu voyance télépathique de Barraud et de son camarade.
Autre exemple (très connu d'ailleurs, et dûment constaté) : un enfant de six ans s'endort comme d'habitude dans l'appartement de ses parents (à Paris), qui recevaient ce soir-là plusieurs amis, dont le médecin de la famille. Vers onze heures, des cris aigus parviennent de la chambre de l'enfant. On le trouve en plein cauchemar et répétant : « Ça brûle Ça brûle ! La Hêtraie ! » (La Hêtraie était le nom de la propriété de campagne où cette famille passait ses vacances.) On le recouche plusieurs fois, mais dès qu'il s'assoupissait, il revoyait les flammes et se réveillait en hurlant ; ainsi jusqu'à cinq heures du matin, avec pour témoins la nurse, les parents, le médecin impuissant, des voisins, un ami.
Dans la matinée suivante, on reçut un télégramme annonçant que le feu s'était déclaré à la Hêtraie vers onze heures, que, les conduites d'eau étant gelées, la maison avait brûlé de fond en comble jusqu'à cinq heures du matin. L'enfant, grâce au sommeil, se trouvait en état de voyance télépathique. Comme le fait remarquer Frédéric Boutet, qui rapporte ce cas, on ne peut supposer une transmission de pensée entre une maison et un enfant ; c'est donc bien un fait de voyance de la part de ce dernier.
Enfin, on peut citer comme exemple de prémonition, le cas de cette femme seule, préparant un beau jour, sans pouvoir s'expliquer pourquoi, la « chambre d'amis », qui n'avait pas été même ouverte depuis des années. Elle mit des draps au lit, des fleurs dans les vases, alluma le feu, puis perçut brusquement l'absurdité de la situation. Elle s'en confia, très inquiète, à des voisins, qui hésitèrent à la laisser seule et l'emmenèrent chez eux. A peine étaient-ils à table qu'on entendit tinter la sonnette de la grille chez cette femme : celui qui sonnait ainsi était son frère, mobilisé dans la marine au cours de la Grande Guerre, et qui avait été porté disparu.
On peut invoquer, dans un tel cas, l'aura du visiteur (voir ce mot). Mais ce dernier ne connaissait en venant ni la maison qu'habitait sa sœur, ni le chemin pour s'y rendre (c'était à Saint-Cloud, dans la banlieue de Paris), et, à l'heure où la femme commença ses préparatifs, il ne savait encore ni si elle était vivante, ni son adresse, renseignements qu'il cherchait à Paris. Cette prémonition est typiquement un fait de métavoyance ou tout au moins de voyance.
Dans l'ordre de la voyance, il faut faire une place toute particulière à la psychométrie et à la radiesthésie (voir ces mots). Quant à la dernière, on sait que l'accord n'est pas fait et qu'on invoque généralement et bien gratuitement des ondes que personne n'a encore vues ni mesurées autrement que par une sensation sui generis.
La psychométrie est, on le sait, la faculté de savoir tout ce qui concerne une personne rien qu'en touchant un objet lui ayant appartenu. La psychométrie et la radiesthésie ont ceci de commun qu'elles prennent comme support de voyance ou comme point matériel d'appui un objet. Ce qui incite à croire que ni l'objet ni les « ondes » ne jouent un grand rôle dans ce phénomène et que :
1°) - Un radiesthésiste éprouvé fait de la lecture sur plan aussi bien que sur le terrain, aussi bien sur un schéma de corps humain que sur le patient lui-même.
2°) - Que le psychomètre, de son côté, oublie quelquefois l'objet ; nous l'avons notamment vu faire maintes fois par Holkar en séance publique. Ce psychomètre prenait un à un les objets, qui lui étaient soumis ; puis, comme cela n'allait pas à la vitesse de son impétuosité naturelle, il finissait par dire ce qu'il avait à dire aux gens attendant en file avec leur objet à la main sans attendre qu'ils soient venus jusqu'à lui. On peut donc se passer de l'objet-support. Ce qui est patent, c'est la voyance.
Dans la voyance caractérisée, le voyant prend souvent un support, mais ce dernier n'est pas censé être en rapport fluidique avec le sujet : c'est une écriture, une boule de cristal, du marc de café, un jeu de cartes ou n'importe quoi. Souvent, la séance commence selon des lois d'interprétation analogique apparemment rigoureuses ; puis, très tôt, le voyant ne pense plus à son support, et parle d'abondance comme de choses qu'on sait. Il est exceptionnel que ce savoir ait la forme d'une image.
Certains voyants décrivent d'ailleurs l'image qu'ils ont de temps en temps au cours d'une voyance. Il semble que la forme imagée soit une figuration secondaire ou un processus épisodique. Il n'est pas besoin de citer d'exemples de voyance : ils sont nombreux et variés ; pourtant, celui-ci nous signale une particularité importante de la voyance : une Anglaise, Miss Hilda Osborne, est en France pendant la. Grande Guerre. Elle habite chez des amis que nous connaissons personnellement. Son frère, Ed. Prier, est mobilisé dans le Nord de la France. Au jour le jour, elle entretient ses hôtes des faits et gestes de son frère, qu'elle suit en voyance.
Un jour, par exemple, elle déclare qu'Édouard va être bien fâché : le portrait qu'il avait accroché au mur dans la petite chambre qu'il occupait était tombé et le cadre brisé. Lui est absent pour plusieurs jours.
Le courrier d'Édouard annonça en effet qu'en rentrant quelques jours plus tard, il avait été contrarié du bris de ce cadre. Donc, au moment où Mrs. Hilda Osborne avait vu le cadre à terre, dans une chambre fermée à clef, personne ne l'avait vu. On ne peut donc pas invoquer une quelconque transmission de pensée.
On ne peut guère, non plus, invoquer les ondes, à moins d'admettre qu'un cadre au sol n'émet pas les mêmes ondes à 300 kilomètres de là, qu'un cadre accroché au mur
Quant à la métavoyance, on ne voit pas quel genre d'ondes elle invoquerait... Voici une jeune fille aimant un jeune homme dont elle est séparée par les circonstances. Elle consulte une voyante spirite qui, après avoir invoqué ses Esprits familiers, lui déclara : « Il me dit que vous resterez séparés encore longtemps, mais que vous êtes unis pour l'Éternité. Vous avez déjà été mariés et parfaitement heureux, à Bologne, dans votre vie précédente. Il s'appelait... (suivent le nom, la date, l'adresse du ménage antérieur). »
On fit des recherches et, effectivement, un ménage exemplaire portant ce nom avait vécu à l'adresse et dans le temps indiqué. Mais l'intéressée ne sut jamais quel rapport il y avait réellement entre ce couple disparu et elle-même. Les Esprits révèlent d'ailleurs souvent des choses étonnantes et que les annales du spiritisme rapportent abondamment. Mais la voyance sans recours des Esprits donne des résultats analogues et, dans certains cas, parfaitement indiscutables. Dans le sens prémonitoire, par exemple, Miss Osborne, dont il a été question plus haut, prédit à une personne âgée, parente de passage dans la maison où elle se trouvait : « Quand vous rentrerez chez vous, une très vieille femme de la campagne vous apportera un héritage : un objet d'or. » La bonne dame, qui n'avait plus aucune famille vivante, ne la crut pas.
Elle rentra chez elle, dans l'Eure, quelques jours plus tard, puis quelques jours passèrent encore, et une très vieille cousine qu'elle n'avait pas vue depuis des années, lui apporta une paire de boucles d'oreilles en or provenant de sa belle-sœur, défunte quelques jours auparavant. Renseignements pris, la prédiction avait été faite avant le décès de la défunte, qui était d'ailleurs morte assez subitement sans avoir donné de directives pour le partage de ses objets personnels. Ce sont les deux héritières, deux vieilles femmes aussi, qui avaient décidé de distribuer quelques menus bijoux aux trois ou quatre cousins éloignés encore vivants.
Enfin, parlant au nom d'une longue expérience personnelle, nous sommes à même de préciser que la voyance permet :
1°) Dans quelques cas, de voir ou de savoir qu'un événement va se produire à telle époque et dans telles et telles circonstances, mais sans que, dans les faits, la chose arrive réellement. Cela représente un pourcentage relativement très faible,
2°) Dans d'autres cas, de savoir qu'un événement va se produire, d'en préciser la date, puis d'apprendre ultérieurement que les choses se sont passées exactement comme prévu, mais avec une erreur d'un mois juste ou d'une année juste (ce qui tient peut-être à notre méthode personnelle de travail).
3°) Dans l'immense majorité des cas, de prédire avec précision et quelquefois à une date (à quelques jours prés), ce qui va se produire dans la vie d'une personne — avec maints détails qui relèguent les allégations de coïncidences au rang des absurdités.
4°) Dans quelques cas — et notamment pour certaines personnes, sans qu'on puisse savoir pourquoi avec celles-là plutôt qu'avec telles autres — de prédire ce qui va se passer au jour le jour. Dans cette dernière catégorie de cas, il est fréquent de décrire les personnes qui seront rencontrées, les endroits où aura lieu la rencontre, le résultat proche et lointain de celle-ci, — et de procéder à des descriptions ayant cet ordre de précision pour une période de quelques mois à quelques années, ce qui représente une série importante de faits prévus. Lorsque, dans une telle série, et en tenant compte des détails fournis, on enregistre un taux d'erreur insignifiant, il faut bien admettre que la probabilité pure est loin de compte.
Dans l'ordre des vérifications statistiques, on sait qu'une Université américaine expérimente — avec un jeu de cartons spéciaux et divers dispositifs, les facultés de voyance de ses étudiants. Cette faculté de voyance rudimentaire, étudiée chez des sujets non préparés, non sélectionnés, se manifeste pourtant par une déviation constante des résultats obtenus, par rapport au chiffre indiqué par le calcul des probabilités.
Par exemple, s'il s'agit de deviner vingt-cinq fois ce qui se trouve au dos d'une carte retournée, les résultats obtenus montrent que les réponses correctes sont en moyenne de 6,5 % (alors que la probabilité est de 5 %). Mieux encore, ce taux augmente nettement sous l'influence des excitants nerveux, sous l'influence d'une tension psychique, et descend jusqu'au taux de la probabilité pure sous l'influence des sédatifs et narcotiques.
Les mêmes expériences (faites sur des dizaines de milliers d'épreuves) prouvent aussi que la distance ne joue aucun rôle, au contraire, que la divination et la prévision atteignent des taux de réussite du même ordre de grandeur ; enfin, que la présence d'un opérateur interposé n'améliore pas le score. Toute question de transmission de pensée est donc éliminée et c'est bien d'une faculté de voyance qu'il s'agit.
Il reste à décrire le mécanisme de la voyance, ce qui est une entreprise hardie et ardue, surtout dans les limites de ces quelques pages. Nous résumerons la question en quelques conclusions toutes personnelles et, par nécessité, un peu schématiques.
1°) Tout être humain possède probablement sous une forme rudimentaire la possibilité de connaître par voyance. Mais cette possibilité est évidente et notable chez certains seulement.
On ne peut pas dire pourquoi certains seulement ont le don de voyance, mais ce n'est pas plus troublant que de constater que certains seulement ont le sens des mathématiques. On sait que ce don correspond à des signes chirologiques constants, et qu'il est héréditaire. (Selon la remarque judicieuse du Dr Geley, les voyants sont rares parce que leur faculté est héréditaire : ceux des siècles passés, brûlés vifs par centaines pour sorcellerie, n'ont pu, en effet, laisser aucune descendance — ce qui constitue une sélection à rebours bien regrettable).
2°) Il est exagéré de dire que tout le monde peut devenir voyant par entraînement. On peut seulement affirmer que, d'une part, l'entraînement développe les voyances latentes et seulement celles-là ; que d'autre part, l'exercice de la voyance chez les autres est subordonné à un travail intérieur que tous ne sont pas de taille à entreprendre, que tous n'ont pas la persévérance de mener à terme, que tous ne peuvent pas concevoir parce qu'il est lié à une ouverture aux questions métaphysiques et à un taux d'évolution de l'intelligence.
3°) La voyance n'est pas une forme de sensibilité, mais une forme de connaissance. Si cette connaissance prend parfois la forme d'une sensation, c'est que des mécanismes associatifs jouent d'eux-mêmes. C'est aussi que, pour les voyants n'ayant pas acquis par culture intérieure méthodique ou par hasard la clef de cette connaissance comme telle, cette connaissance n'apît qu'à partir du moment où elle est transposée en images. Noter que la connaissance de voyance n'échappe pas, en cela, à la règle générale : pour la majorité des êtres humains, connaître n'a de sens qu'à partir du moment où la connaissance est traduite en images verbales (mots), en images motrices (gestes, piger, savoir-faire), en images visuelles surtout (schéma dialectique, symboles spatialisés, etc.).
4°) La principale difficulté de la voyance réside précisément en ce que la nécessité de traduire en idées et en images crée tout un dispositif mental que gêne la vie mentale rationnelle ordinaire. Autrement dit, ce qu'on appelle couramment la pensée claire, les idées conscientes, gênent les idées et images qui tendent à se former à partir de la connaissance de voyance. Les interférences sont telles que, la plupart du temps, le plan mental inhibe purement et simplement la faculté de voyance.
5°) La difficulté serait résolue si l'être humain avait la possibilité, sans entraînement spécial, d'interrompre toute pensée consciente, toute activité mentale — ou encore s'il avait la possibilité de laisser fonctionner, concurremment et sans inhibition, son mental et sa pensée de voyance. Comme cette solution n'est offerte toute faite qu'à un nombre infime de grands voyants congénitaux (quelques-uns par siècle, semble-t-il), les autres ont le choix entre l'entraînement systématique par la culture intérieure — ou le Truc.
6°) La culture intérieure ne peut procéder que de buts métaphysiques généraux : on ne s'astreint pas à un yoga pour le plaisir de devenir voyant, et si même on désirait s'y astreindre dans cet unique but, on serait à peu près sûr d'échouer. Le yoga est une voie d'analyse et de volonté qui comporte la dissection de tous les mécanismes profonds. II a pour résultat secondaire de donner la voyance parce qu'il suppose le libre maniement et l'indépendance des plans de pensée.
7°) Le Truc consiste à accaparer l'attention consciente en s'absorbant dans la contemplation d'un support (boule de cristal, marc de café, etc.), ou en prenant pour support un système mental dans lequel l'intuition peut choisir ses voies (pendule, tarot, astrologie, géomancie). Un autre procédé consiste à supprimer tout simplement la conscience, par l'hypnose, par exemple. Par ce moyen, le mental est endormi et n'exerce plus son inhibition sur le processus de voyance.
8°) Il y a des voyants capables de connaître seulement l'être humain, d'autres seulement la position ou la nature des objets (radiesthésistes), d'autres seulement les événements mondiaux, etc. Cela résulte d'une spécialisation spontanée de la pensée intuitive. Cette spécialisation ne pose pas d'autres problèmes et ne comporte pas d'autres mystères que la différenciation des individus en « musiciens n'entendant rien à la peinture », en « peintres n'entendant rien à la musique », en « mathématiciens n'entendant rien aux arts », etc...
9°) Quant à l'envergure de la vision, il y a des voyants capables d'aller jusqu'à leur vis-à-vis (ceux-là savent ce que pense le consultant dans son inconscient). Il y a des voyants capables d'aller jusqu'aux limites de l'univers du consultant (sa famille, ses amis, ses affaires) et de lire ainsi la logique interne de l'ensemble du système. D'autres enfin prennent contact avec l'inconscient cosmique et peuvent lire indifféremment ce qui dépend d'une personne ou ce qui ne dépend de personne. C'est là affaire d'acuité et d'envergure et les mêmes différences s'observent entre le caissier, le directeur d'agence et le directeur général d'une grande banque.
10°) Se superposant aux graduations d'envergure, intervient une distinction entre le voyant limité au monde de l'instant et le voyant saisissant le déroulement des vies, faits et événements depuis le passé lointain jusqu’a l'avenir proche ou éloigné. Ainsi, la radiesthésie connaît ce qu'il y a à connaître dans l'instant ; le voyant voit ce qui s'est passé en d'autres temps ; le prophète sait ce qui va se passer. Le fait que les voyants diffèrent sur ce point est un fait de spécialisation congénitale que nous ne savons pas expliquer ; mais le fait de connaître l'avenir suppose un contact avec le plan de l'inconscient cosmique.
11°) L'inconscient cosmique est le « film du monde » enroulé dans sa boîte — celui que Dieu connaît tout entier à l'avance, tout en nous laissant le bénéfice apparent du libre arbitre. Tout y est inscrit. Mais les meilleurs voyants n'en aperçoivent guère les deux bouts, qui sont chiffrés selon un code incompréhensible pour nous (voir Prophétie). Lorsqu'on prend contact avec la portion lisible pour nous de l'inconscient cosmique — et suivant notre spécialisation et envergure — on y sait aussi bien l'aventure des objets ou des animaux que des peuples ou des événements.
12°) On sait l'inconscient cosmique et son contenu quand on est dedans. Cela se passe de tout commentaire, comme le fait de voir le monde en ouvrant les yeux ou tout autre fait d'évidence. Il est fou de vouloir substituer à cette constatation élémentaire (qu'on appelle d'ailleurs cet inconscient universel: Dieu, Énergie primordiale, Principe de la Manifestation ou de tout autre nom) des hypothèses compliquées et inutiles comme celles des Esprits ou des Radiations. Pour le moment, nous ne connaissons du corps astral que quelques-unes de ses propriétés, et des radiations que quelques gammes. Attendons d'avoir vu le Corps Astral de la France pour affirmer que c'est lui qui inspire les prophéties nationales ; attendons d'avoir pris sur le fait une radiation avertisseuse avant d'en parler.
13°) Quant aux erreurs de la voyance, elles sont imputables à des facteurs de plusieurs ordres :
-a) en premier lieu, à l'envergure (voir le 9°) du voyant. Celui qui ne perçoit l'inconscient cosmique que sous la forme particulière et limitée de l'inconscient individuel du consultant, lit son destin N° 1 (voir au mot Destin) et se trompe donc du fait que ce destin est modifiable.
- b) En deuxième lieu, une forte croyance partagée par une collectivité prend place dans l'inconscient cosmique et peut impressionner le voyant plus fortement que le Réel (du moins si ce voyant n'est pas exercé au grand discernement). C'est ainsi que les radiesthésistes, cherchant le corps de la petite Nicole Maresco, furent impressionnés à leur insu par l'opinion admise par la police, les journaux et le public au moment de leur examen (1936).
- c) En troisième lieu, le voyant peut, malgré toutes ses précautions, être victime de son mental : il se produit une inhibition intuitive partielle sur tel point, parce que la censure du conscient logique tient ce point pour irrationnel, invraisemblable ou improbable. Défaut d'isolation, par conséquent.
- d) En quatrième et dernier lieu et surtout, le voyant peut être insuffisamment détaché de ses problèmes affectifs personnels. Dès lors, sa voyance devient valable pour les plans très extérieurs à lui, sujette à caution dans les situations présentant quelque analogie avec la sienne, sans valeur pour tout ce qui le concerne ou concerne ses proches.
Il reste à exprimer une proposition touchant le vocabulaire propre à la question de la voyance. D'abord, il est certain que le mot intuition conviendrait beaucoup mieux que celui de voyance. Malheureusement, ce terme a aussi le sens d'idée vague, idée confuse, flair, etc., etc...
Il faut ranger toutes ces notions sous le nom de conscience intuitive et réserver celui de connaissance intuitive à la voyance. Dans l'ordre des prévisions et de la métavoyance, il faudrait conserver, parce qu'elles sont justes, les dénominations de pressentiment et de réminiscence à la conscience vague des événements futurs ou passés, et réserver à la métavoyance le nom de connaissance intuitive prémonitoire ou postmonitoire.
Au lieu de dire une voyance, on devrait enfin, en toute rigueur, puisque la voyance est une forme de connaissance, dire la notion intuitive d'une chose, la notion intuitive prémonitoire d'un événement futur, la connaissance intuitive prémonitoire d'une période à venir.
Pour désigner la faculté de voyance, on pourrait employer le terme Intuition (avec majuscule), ou mieux celui d'Intuitivité. Il n'est certes pas besoin de chercher une autre expression pour désigner l'état de voyance, qui n'est pas équivoque. Quant au processus de la voyance, le mot Intuition le désigne et, sous la réserve des remarques déjà faites, on peut le conserver.