— Totem — Dans les civilisations primitives, chaque tribu fait remonter son existence à un ancêtre mythique, dans l'immense majorité des cas, un animal. Étant donné l'état de participation magique qui caractérise le stade correspondant de leur pensée (voir Magie), il ne s'agit pas d'une filiation généalogique comme un civilisé est tenté de le croire.
Pour les Bororos, dont le Totem est l'arara (un perroquet), il n'y a, rapporte Lévy-Bruhl, aucun problème : « Les Bororos sont des araras, les araras sont des Bororos. » La tribu procède des vertus essentielles de l'être auquel elle s'identifie. C'est un peu comme si le Français s'enorgueillissait d'avoir la combativité, la vanité et le côté bruyant du coq, à supposer que cet animal fût un totem et non un emblème.

L'interdit du meurtre, valable seulement à l'intérieur de chaque tribu, fait que l'animal totémique est Tabou. Lorsque les tribus s'organisent, l'inter-jeu des Tabous devient extrêmement complexe. Sans entrer dans les détails, nous croyons nécessaire de signaler seulement ce qui se passe à un stade infiniment plus avancé, ce qui s'est passé dans la haute antiquité égyptienne, par exemple.

Le Totem est plus ou moins devenu un Dieu à tête d'animal ou même une personnification plus évoluée. Dès lors, et toujours en vertu de la prévalence de la pensée animique, les différents pays ne s'imaginent pas les autres par des relations géographiques, mais par des rapports qualitatifs entre les Totems de clans et les interdits leur correspondant. Une des grandes tâches des premiers Pharaons fut d'homogénéiser le système mythico féodal résultant de cette genèse.

On est souvent surpris, dans l'histoire des pays d'Orient, de voir combien se mêlent étroitement le nom de l'ancêtre, le nom du Dieu, le nom du peuple. Israël en est un exemple parmi bien d'autres ; on voit d'ailleurs qu'à l'intérieur d'Israël, Dan, Nephté, Zabulon, Ruben, etc. désignent à la fois un ancêtre, une tribu et un pays.

L'étude de la symbolique montre que les rapports définissant ces noms interdisent qu’on ne puisse jamais faire une distinction entre ces trois significations — qui sont dans la pensée primitive une seule et même chose. Pour conclure, la difficulté que nous éprouvons à comprendre la notion de Totem vient de sa complexité, dont la triplicité ci-dessus prise en considération n'est qu'un aspect. (Les lois d'exogamie notaminterviennent au premier chef.)