— Éternité — Encore que la notion d'éternité soit commune à toutes les philosophies et religions, son contenu est extrêmement variable. Cela présente un intérêt dans la mesure où notre notion occidentale d'éternité est, au fond, assez différente de la notion courante.

Alors, par exemple, que les populations primitives de la Virginie (pour prendre un point élémentaire de comparaison) regardaient le cours perpétuel des rivières comme le symbole de l'éternité et, dans cette idée, leur offraient des sacrifices, alors que le sanscrit, langue sacrée commune à toutes les religions philosophiques de l'Inde (pour prendre cet autre terme opposé de comparaison) ne possède pas de mot pour traduire l'idée d'éternité, nous avons au contraire de cette notion une conception extrêmement statique et définie.

En un mot, presque toutes les religions et philosophies conçoivent la
Perpétuité, mais non l'Éternité immuable — comme le remarque M. le Professeur Masson-Oursel. On ne peut pas rendre Descartes responsable de ce goût de la sécurité « bourgeoise » qui nous a fait figer en immuabilité ce qui est vie perpétuelle ; car le courant vient de Grèce avec celui de la dialectique et des nécessités d'ordre logique qu'elle traîne à sa suite. Qu'Aristote, puis Descartes, aient sacrifié au penchant formaliste de la pensée occidentale, cela ne fait aucun doute, et il suffit de remarquer le défaut de nos conceptions pour en tenir compte.

Dans le domaine de l'occultisme, l'intérêt de la distinction réside en ce que le matériau universel sur lequel l'homme travaille est vivant, mouvant, jamais en repos. Le fixisme logique est une abstraction et le Temps, tel qu'il apparaît à la Raison, en est une autre. Il n'y a pas d'opération magique, pas de procédé divinatoire qui puisse s'appuyer sur ce temps théorique auquel l'Éternité théorique d'Occident est apparentée (voir au mot Temps).

A noter que les Anciens adoraient simultanément l'Éternité et le Temps, personnifiés sous les mêmes traits — une femme tenant en main un serpent qui se mord la queue et forme un cercle — ou simplement un cercle contenant un sablier ailé.
L'éternité est encore symbolisée par une déesse tenant dans ses mains les têtes rayonnantes du Soleil et de la Lune — ou encore par trois figures (hier, aujourd'hui, demain) tenant un grand voile étendu au-dessus d'elles en arc de cercle — ou enfin par une matrone assise sur un cube de marbre, le buste voilé (car impénétrable) et tenant dans ses mains le globe du monde elle est inscrite dans un cercle dont le fond est d'azur parsemé d'étoiles d'or.
Cette iconographie révèle une conception circulaire ou cyclique de l'Éternité, contrastant avec notre notion linéaire ou statique.