Étymologiquement, une secte est un ensemble de personnes qui font profession d'une même doctrine. En général, ce groupe s'est séparé d'une communauté religieuse.

De nos jours, le mot “secte” est souvent employé avec une nuance de mépris.

Cependant le christianisme, secte détachée du judaïsme, est devenu religion ; Mahomet forme une secte judéo-chrétienne qui devient également religion ; le marxisme est souvent considéré comme une secte issue de la pensée chrétienne.

Les antiquités grecque et romaine n'ont pas ignoré ce phénomène et l'on songe à l'Orphisme, au Pythagorisme, aux mystères d'Eleusis, d'Isis, de Mithra, mystères pourchassés, de qui on se recommande actuellement.

Certains groupes à vocation universelle, fort honorables, sont des sectes selon la définition courante. Je songe aux Quakers, à l'Armée du Salut, aux Antoinistes, aux Pentecôtistes.

Alors pourquoi cette chasse aux sectes ? Pourquoi celles-ci attirent-elles tant de jeunes ?

Il est difficile d'établir la différence entre sectes et sociétés initiatiques. Les sectes transmettent un certain nombre de vérités, mêlées parfois à des erreurs qui peuvent provenir d'une interprétation très littérale de textes ou de faits. Des individus, déçus par les Églises, se persuadent avoir rencontré d'autres personnalités détenant “la vérité”.

Le plus souvent, la secte se flatte de communiquer à ses membres le plus haut degré de la Connaissance, ou de leur donner des “pouvoirs”. Par un enseignement directif, on persuade ces fidèles qu'ils sont supérieurs aux membres de tout autre groupe, qu'ils sont investis d'une missions supérieure et que, seuls, ils ont l'intuition des faits. Or, l'esprit critique manque fort souvent à notre civilisation endoctrinée par les journaux, la radio, la télévision.

René Alleau, en présentant sa collection Sectes et Sociétés secrètes aux éditions Planètes, écrit en 1970 que le caractère fondamental de la secte est “sa mise en commun d'un mode d'existence nécessaire à un mode de conscience et de compréhension de cette doctrine”. Il ajoute : “Le phénomène sectaire n'est pas toujours une régression ni un retour expérimental : il apparaît aussi comme une anticipation qui se veut exemplaire d'un mode d'existence religieuse ou sociale, lequel n'est pas encore historiquement manifesté.”

Lorsqu'on étudie l'organisation des sectes, on y trouve le plus souvent un contenu ésotérique, une expérience initiatique dont il faut savoir déchiffrer la valeur symbolique. La secte est trop souvent jugée de l'extérieur ; or, le mythe initiatique ne se communique que de maître à élève, dans le silence.

Rituels et mythes prennent une signification particulière dans chacun de ces clans, formant des petites chapelles bien soudées dans une recherche qui échappe à l'entendement de celui qui est encore à l'extérieur.

Chaque groupe établit son dogme à partir d'une pensée religieuse,une idéologie sacrée, en coordonnant l'activité de quelques membres qui agissent ainsi dans un cadre bien déterminé.

Le zen, le zazen, ne sont pas des sectes issues du bouddhisme et remises en honneur par l'Occident. Ces groupes, avec leur largeur d'esprit, leur compréhension, leur compassion, n'endoctrinent personne. Comme dans d'autres sociétés initiatiques, leurs dirigeants cherchent à faire découvrir la vraie personnalité de chacun, dans la quête d'un perfectionnement.

L'actualité parle périodiquement des abus causés par les sectes, dont certaines finissent tragiquement. Ce sont alors des entreprises de dépersonnalisation, et leurs méthodes s'apparentent aux techniques totalitaires comme celle du “lavage de cerveau”. C'est l'aliénation totale de celui qui s'est intégré dans ce groupe nocif.

Nous connaissons malheureusement les méfaits de ces sectes fanatisées. Le 18 novembre 1978, Jim Jones, grand prêtre du Temple du Peuple à Guyana, persuade 923 fidèles de prendre une potion, un “suicide révolutionnaire pour protester contre les conditions de ce monde inhumain”. Quelques “résistants” à cet ordre sont abattus.

En septembre 1985, aux Philippines, soixante membres de la tribu Ata, de l'île de Mindanao, se suicident à la demande d'un grand prêtre afin de “voir l'image de Dieu”. En novembre 1986, sur une plage de Wakayama, à l'ouest du Japon, sept femmes, adeptes de l'Église des Amis de la Vérité, s'aspergent de kérosène, se font brûler pour rejoindre leur guide spirituel disparu.

En août 1987, Mme Park Soon-Ja entraîne trente-deux adeptes dans la mort ; ils s'étranglent, car leur mère-déesse de quarante-huit ans doit répondre d'une énorme escroquerie à Séoul.

Les dirigeants sont alors des manipulateurs, des imposteurs, mais aussi parfois des êtres eux-mêmes abusés qui peuvent paraître de bonne foi. Drogues, orgies, festivités liturgiques maintiennent les adeptes dans un climat d'aliénation, car ce sont souvent des sujets fragiles, influençables, naïfs. Les chefs ont la parole facile et usent de leur pouvoir de séduction.

Le Christ a déjà dénoncé les “faux prophètes”, mais il existera toujours des escroqueries spirituelles, des endoctrinements intensifs. Des adeptes peuvent se dévouer pour une idéologie, mais certains membres chercheront à en tirer un bénéfice personnel démesuré.

Les fidèles d'une religion entretiennent leurs prêtres ; il en est de même dans la secte. Il n'est pas reproché aux dirigeants d'une Eglise, ou d'un parti politique, de mener une vie luxueuse avec des moyens appropriés : avion personnel, voitures blindées, des services avec un grand nombre de responsables, des gardes les protégeant.

Pourquoi n'en serait-il pas de même pour les responsables d'une secte florissante ? Si les membres éprouvent de larges satisfactions individuelles, ils sont prêts à rétribuer celui qui les enseigne et les protège.

Bien que ces groupes se soient constitués sans filiation historique, ils revendiquent fort souvent un passé fabuleux où apparaissent les noms les plus prestigieux. Ne nous laissons pas abuser par ces puérilités.

Les présidents de ces assemblées occupent ces postes à vie, d'où un culte de la personnalité bien contraire à l'esprit d'une recherche spirituelle.

 

Les degrés initiatiques

Bibliographie :

Jean-Pierre Bayard

Xavier Pasquini