La sexualité joue un rôle primordial dans notre vie ; aussi n'est-il pas étonnant de trouver des groupes qui ont voulu lui donner une valeur bien particulière en l'assimilant à la psychologie religieuse.

Le Cantique des Cantiques trace un parallèle entre le désir amoureux et l'extase divine ; l'acte sexuel peut s'envisager comme un rayon permettant de développer des énergies supérieures. En Inde, on honore le lingam : emblème de Shiva il est le symbole de l'élan continu de la vie, il est fécondité. Le tantrisme développe ces notions.

La “semence sacrée” jetée au sein de la mer a donné lieu à la venue du premier homme : bien des légendes situent cette création à partir du sperme divin. Jacques-Antoine Dulaure (17551835), dans son Culte du phallus, a rapporté maints épisodes concernant les Divinités génératrices. En revanche, pour d'autres religions, le pénis est objet de tabou.

Que ce soit dans l'un ou l'autre cas, le sexe joue un rôle important ; Randolph écrit : “le sexe est la plus grande force magique de la nature”. Dans le cadre de l'ésotérisme, on peut évoquer cet état particulier, forme d'une transe qui est énergie. Sous le couvert d'une respectabilité extérieure, d'un groupe, des êtres ont pu vouloir assouvir leurs passions : on trouve de nombreuses condamnations pour provocation de mineurs à la débauche ; mais d'autres groupes étudient fort sérieusement l'extase sexuelle.

Toute opération magique, lorsqu'elle est effectuée par un seul magiste, ou même par un seul couple, est beaucoup plus faible, beaucoup moins efficace que lorsqu'elle est réalisée par un groupe homogène, uni dans une parfaite harmonie d'intentions, de paroles et de gestes. Non seulement parce qu'il y a addition des pouvoirs, totalisation des efficiences individuelles, mais surtout parce que cette harmonie même fait du groupe d'individus un être nouveau ; elle crée dans l'astral un égrégore pourvu de puissances essentiellement différentes des pouvoirs individuels.

Dès lors, le même principe mènera les magistes sexuels à réaliser l'égrégore par l'accouplement collectif. Sans doute, il y a là quelque chose d'imparfait, le contact physique n'étant pas établi de couple à couple et la synchronisation étant pratiquement irréalisable. Aussi, tel groupe lyonnais, composé d'une quarantaine d'hommes (l'élément féminin est rigoureusement exclu) réalise la chaîne magique circulaire d'une façon impossible à décrire, tandis que le Mage, nu comme ses acolytes, mais debout au point central et l'épée à la main, capte les forces qui se déclenchent du synchronisme spécial”.

“Mais il est une tradition occultiste qui soutient que la magie par l'accouplement est d'une efficacité inférieure, et que rien ne vaut, à cet égard, l'émoi féminin auto-érotique. Cette tradition est représentée à Paris par la Section ésotérique Veritas du Groupe Indépendant des Hautes Études Ésotériques de Paris, fondé par M. Maurice Braive, 27, rue Bleue, 75009 Paris 1.”
Émule de Maurice Braive, un homme âgé se disant Hadès a créé vers 1960 la Société de Satan, dont les offices ont lieu dans un hôtel particulier du quartier de l'Étoile. La “synchronisation” a été abandonnée au profit de la puissance des “énergies produites”. Cette secte aurait un bon nombre de participants.

L'ordre Christique Fraternel, groupe très fermé, rechercherait la “fusion universelle par l'homosexualité sacrée” ; Komiha, son grand prêtre, serait un ancien comédien.
Les Fils d'Adam proposeraient aux “Élus du temps présent” de racheter la faute originelle en renouvelant rituellement la séduction d'Ève : la faute peut être effacée par l'union spectaculaire d'une femme et d'un serpent. Ces scènes se dérouleraient dans une villa de Villacoublay.

Il existerait un grand nombre d'endroits très fermés, établis aux domiciles des quelques adhérents — ce dont les lieux de réunions varient ainsi très facilement — où se dérouleraient des offices très spéciaux. Parmi ces groupes de maniaques cherchant à assouvir leurs perversions, il existe des clans de nécrophiles : le cadavre est remplacé par une jeune femme qui accepte de jouer ce rôle ; on paye souvent une prostituée qui consent, poudrée, à imiter une morte placée dans une salle mortuaire, tapissée de tentures noires, entourée de chandeliers.
(Pierre Geyraud, L'Occultisme à Paris.)

Ces corpuscules aux déviations sexuelles bien accusées possèdent cependant un rituel permettant à ses quelques membres de participer à un même émoi dans un climat collectif où, fraternellement, on partage un sentiment commun.
Après ces quelques groupes fort discrets, aux domiciles mouvants afin de dépister la police, il convient d'évoquer quelques autres associations.

Eulis Brotherhood (EB)
Cette société est fondée en 1868 par Paschal Beverley Randolph (1815-1875) qui écrivit plusieurs romans basés sur l'érotisme. En 1840, il fut admis au sein de l'Hermetic Brotherhood of Luxor (HB of L) et en gravit rapidement les échelons.
Il condensa son enseignement dans Magia Sexualis ; Marie de Naglowska en fit une traduction ; ce livre a été publié en 1969 par les éditions Guy Le Prat avec une postface de Pierre Mariel. René Guénon en a parlé dans l'Erreur Spirite (p. 21).

Reprenant les théories du tantrisme et de Guaita, le phallus est considéré comme un élément positif, le yoni est alors négatif. À l'inverse, dans cette recherche magnétique, le cerveau de l'homme est un pôle négatif, celui de la femme un pôle positif. Comme l'homme féconde la femme qui met au monde un être parfait, l'esprit de la femme féconde l'esprit de l'homme qui porte le projet à maturation.

Pour Randolph, le sexe est la principale force dynamique de la nature ; toutes les forces émanent de la féminité de Dieu, et lors de l'union charnelle ces puissances dans leur expansion maximale deviennent des opérations magiques. Par l'union charnelle, on vise l'union des âmes et, par là, l'union avec Dieu.
Marie de Naglowska pratiquait dans le quartier de Montparnasse vers 1935, mais elle disparut en 1940. On ne pense pas que de véritables groupes organisés continuent la pensée de Randolph.

Skoptisme
Cette société qui apparut aux environs de 1757 eut énormément d'adeptes en Russie et dans les Balkans. Leurs membres furent considérés comme des fous fanatiques, les Skoptsys, ou castrés. Ces ascètes pensaient accéder à l'union avec le divin par la mortification : les prêtres sacrifiaient leurs organes génitaux par oblation.

Dans une secte du Skoptisme, les “flagellants” se fouettaient et se mutilaient dans le but de créer l'extase religieuse, un transport érotique dans un “baptême de feu”. Les fidèles, formant cercle, se balançaient rythmiquement, puis tournoyaient rapidement sur eux-mêmes ; lorsque le danseur ralentissait sa cadence, il était fouetté. Exténués, les participants roulaient à terre, en extase ou en convulsions.

Malgré les répressions du gouvernement impérial, la secte des “Skoptz”, ou “Scopits”, prit de l'extension car elle se référait au sens littéral de l'évangile de saint Matthieu (XXX, 10 à 12). Des personnages influents à la cour ont été eux-mêmes des castrateurs ; le plus célèbre, Selivanov, mourut en 1832 au monastère de Spasso-Euphemius.

Des revues soviétiques mentionnent parfois les survivances des Skoptsys, plus particulièrement en Roumanie.
Association apostolique ou Adorateurs de l'Oignon
Ce second titre peut porter à sourire, et cependant, c'est là un groupe spiritualiste bien implanté qui, en 1929, a pris pour nom Association apostolique.

François Thomas, qui fut charretier, photographe, comptable, vit à la devanture d'un marchand de légumes un oignon qui germait, et ce fut pour cet homme une révélation subite. Dans le Petit livre de la Sagesse que Frère Thomas écrivit pour condenser son enseignement, il est écrit : “L'oignon est planté dans un sol riche et bien exposé ; il repousse. Puis on lui casse la tige pour l'empêcher de monter en graine. Devenu eunuque, l'oignon germe et rajeunit encore. Empêché d'avoir des enfants, il redevient enfant lui-même. Ainsi, d'année en année, l'oignon se renouvelle dans un corps meilleur que celui qu'il avait l'an passé. Il va vers la perfection et vivra toujours.”

Si ce groupe ne débouche pas sur la castration comme avec le Skoptisme, on recommande la continence sexuelle pour conserver son énergie. Le nombre d'adhérents est réduit, mais la secte attire par l'étrangeté de ses propos. Frère Auguste et soeur Geneviève ont succédé au frère Thomas (17, rue de la Baronne-Léonini, 60300 Chamant).

Confrérie de Krââm
Cet enseignement tantrique est basé sur le culte de l'extase et sur une vision sexuelle du Cosmos. Le corps humain est le réceptacle de champs de forces. “A partir du sexe commence le monde spirituel, avec la montée de la libido qui éveille les facultés psychiques, les pouvoirs occultes, et développe l'imagination et la volonté, et ce jusqu'à la réintégration cosmique : c'est la magie retrouvée de Kundalini.”
Adresse :
Michel Monereau, BP 13, 95509 Gonesse Cedex.

Bibliographie : Jean-Pierre Bayard