Toutes les traditions s'accordent pour mettre en garde le néophyte sur les dangers du “Gardien du Seuil”. Est-ce un être, un démon, une réaction vitalisée ?
Quoi qu'il en soit, il s'oppose à l'entrée du cherchant dans le Temple invisible, et mène un combat sans merci. Qui le vainc remporte une victoire qui ouvre les portes de la Connaissance.
Qui est vaincu risque la mort ou la folie. Dans Zanoni, Bulwer Lytton donne du Gardien du Seuil une évocation saisissante :
“La vapeur avait déjà pris la densité et la consistance d'un nuage de neige : les lampes scintillaient au travers comme des étoiles. Il voyait distinctement des formes presque humaines passer lentement et régulièrement à travers le nuage. Elles paraissaient exsangues, leurs corps étaient transparents et s'allongeaient et se repliaient comme les anneaux d'un serpent. Il entendit en même temps un son à peine perceptible, comme le fantôme d'une voix, que chacune de ces formes recueillait et renvoyait à la suivante ; son voilé, mais harmonieux, qui semblait l'expression de quelque sérénité ineffable. Aucune de ces apparitions ne sembla faire attention à lui.
» Son intense désir de les aborder, d'être des leurs, de participer à cette aérienne béatitude le poussa à tendre les bras et à crier à haute voix ; mais seul un murmure inarticulé passa sur ses lèvres ; le mouvement et l'harmonie continuèrent comme si aucun mortel n'était présent. Les formes firent lentement le tour de la chambre, s'élevèrent, puis, dans le même ordre solennel, l'une après l'autre, elles disparurent par la fenêtre ouverte et s'évanouirent dans l'air.
» Glyndon, qui les suivait des yeux, vit tout à coup la fenêtre obscurcie par une forme d'abord indistincte ; sa seule présence suffit à changer en terreur le délicieux sentiment de bien-être qu'il avait éprouvé jusque-là. Peu à peu, la forme se dessina. On eût dit une tête humaine couverte d'un voile noir, à travers lequel luisaient, d'un éclat livide et infernal, deux yeux dont le regard insoutenable le glaça jusqu'à la moelle. Ce fut là tout ce qu'il put voir de ce visage.
» Sa terreur, déjà au-delà des forces humaines, augmenta encore lorsque, après un instant de repos, le fantôme entra lentement dans la chambre. Le nuage se retira à son approche, les lampes pâlirent et vacillèrent. La forme du monstre était voilée, comme son visage ; il ne se déplaçait pas comme les fantômes qui prennent l'apparence des vivants. Il semblait plutôt ramper comme quelque reptile immense et difforme enfin il s'arrêta, s'accroupit près de la table où était le volume mystique et fixa de nouveau ses yeux sur le téméraire qui l'avait évoqué à son insu.
» L'imagination la plus féconde et la plus raffinée des moines ou des peintres de l'art fantastique du Nord eût été insuffisante à peindre, sur ce visage de démon, l'expression de méchanceté infernale de ces yeux. Tout le reste était sombre, enveloppé d'un voile ou plutôt d'un linceul flottant et vague. Mais ce regard brûlait, si intense, si livide, si vivant, avait une expression de haine si humaine, qu'on était certain que cette ombre horrible n'était pas un pur esprit, qu'elle participait assez de la matière pour que les formes matérielles trouvassent en elle un ennemi mortel.”
Sources :
Histoire des Personnages Mystérieux & Des Sociétés Secrètes - Sous la direction de Louis Pauwels
Dictionnaire des Sociétés Secrètes en Occident - Sous la direction de Pierre Mariel
Dictionnaire pratique des Sciences Occultes – Marianne Verneuil