— Extase — L'état extatique se définit, selon saint Thomas, comme une mort aux choses de ce monde. Les mystiques chrétiens ont réalisé cette mort sur le plan des besoins et des aspirations. Il ne leur est arrivé qu'épisodiquement de connaître la mort du corps. Il semble que ce soit dans cette mort du corps que l'esprit conquiert la lucidité totale, et c'est là le sens profond des yogas hindous.

Ranamaarshi, disciple de Ramakrishna, qui semble être l'esprit le plus lucide de tous les temps modernes et contemporains, commença sa carrière de sage à l'âge de dix ans. Délaissant l'école pour aller s'isoler dans les champs, il s'avisa de résoudre le problème de la vie en essayant de réaliser toutes les conditions réunies de la mort. Il parvint à mourir réellement (arrêt du cœur, de la respiration, chute de la température, etc...) et découvrit du même coup l'évidence de l'Éternité de l'Univers, et la présence du Principe divin.

Comme l'explique le Dr Frétigny (1), les concepts de l'intelligence naissent de l'arrêt de l'action (selon la conception de Ribot, généralement admise). C'est-à-dire que les concepts ou idées ne sont nés à la pensée que le jour où nous avons pensé un acte jusque-là automatique comme possible le jour où nous avons conçu la possibilité de ne pas l'exécuter ou mieux, au moment où nous nous sommes retenus de l'exécuter.

De même, les idées concernant notre existence (l'existence, la vie, notre place dans l'Univers, etc...) ne nous viennent que le jour où nous concevons la possibilité d'interrompre la vie — ou mieux au moment où nous stoppons la vie. Le premier mécanisme relève globalement de la maîtrise du système cérébro-spinal, le second globalement de la maîtrise du système sympathique.

(1) Esprit et Médecine (Albin Michel)