Du point de vue psychosociologique, les cheveux jouent un rôle qui varie d'une façon intéressante au cours de l'histoire. Sans reprendre ici la succession des modes qui ont fait se succéder les cheveux ras, les cheveux plats, les cheveux en brosse, les cheveux en casque, les perruques poudrées, les perruques plates, les raies à gauche, les raies au milieu, etc..., on peut dire que l'évolution double (chez l'homme et chez la femme) de la longueur, de l'ordonnance, de la souplesse ou de la rigidité, de la liberté ou de la forme de la chevelure suit une courbe dépendant de celle de l'évolution économico-historique.

Si, au lieu d'embrasser le phénomène d'un point de vue statistique, on analyse les rapports de l'individu et de la chevelure, on voit que la discipline du cheveu traduit des considérations (inconscientes d'ailleurs) de classe, de morale, etc... La puritaine a les cheveux tirés, le moine a une tonsure, les femmes de mauvaise vie se voient couper les cheveux à titre de punition, le petit garçon bien élevé est bien peigné, etc.

Enfin, les collectivités réagissent à l'égard de la chevelure chacune selon son mode : l'armée coupe les cheveux ; la synagogue les encourage sans les discipliner ; le pensionnat catholique les discipline sans les couper ; les ordres féminins les tondent ; les prisons aussi, etc...

De tout cela, lorsqu'on le regarde de plus près, il ressort, selon les conclusions de Jean Carteret, que la chevelure symbolise les forces instinctives et la coiffure l'attitude de l'individu, de la collectivité et de la société à l'égard de ces forces. Cette interprétation est conforme à la fois à la Tradition (voir interprétation des Tarots) et à son expression mythologique.

Lorsque les Érythréens virent, dans la mer, flotter sur un radeau une statue trop lourde pour être tirée sur la plage, un pêcheur d'Erythas, qui était voyant, dit qu'il s'agissait d'une statue d'Hercule et fut averti en songe que si les femmes érythréennes voulaient couper leurs cheveux et en tresser une corde, elles tireraient le radeau sans peine. Ce qui fut fait. On montre encore, dans cette ville, la corde de cheveux et la statue d'Hercule dans le même temple. On sait aussi que l'emploi le plus important d'Iris était d'aller couper le cheveu fatal des femmes vouées à la mort.

En Égypte, il était courant de sacrifier sa chevelure à quelque fleuve, et nous verrons que le fleuve n'est pas sans analogie symbolique avec le cheveu. Plus couramment encore, on sacrifiait la chevelure des enfants conduits au temple pour y être guéris, dès que ce résultat était acquis. Chez les Grecs, les adolescents sacrifiaient à Delphes leur premier cheveu (ou poil) à Apollon.

En Grèce encore, on se coupait les cheveux sur le tombeau d'un être cher.
Les Romains portaient les cheveux courts ; dans le deuil, ils les laissaient croître.
Les Lacédémoniens les portaient longs et les parfumaient d'essences les jours de combat.
Apollon a les cheveux longs et flottants.
Mars et Mercure ont les cheveux bouclés et courts.
Vénus porte presque toujours les cheveux noués derrière la tête ou une bandelette avec un nœud de cheveux sur le haut du front.
Diane et Junon étaient coiffées de même.
Vulcain et Hercule ont les cheveux courts et crépus.
Pluton les a épais, ondoyants et rabattus sur le front.
Jupiter les a ondoyants et majestueusement relevés sur le front, qu'ils laissent découvert.
Ceux de Neptune sont longs et en désordre.
Ceux des Faunes et des Satyres tiennent de la nature du poil des boucs et des chevreaux.
On représente « l'Occasion » chauve par derrière.
Méduse et les Furies ont pour cheveux des serpents.

Bérénice, femme et sœur de Ptolémée et Vergète, promit aux Dieux le sacrifice de ses cheveux si son mari revenait vainqueur de l'Asie. Le vœu fut exaucé. La Princesse suspendit sa chevelure dans le temple de Mars. L'apprenant, son mari entra dans une grande colère, mais l'astronome Conou de Samos le rasséréna en lui disant que la chevelure avait été transportée au ciel par Vénus — où elle est devenue le groupe d'étoiles aujourd'hui connu sous le nom de Chevelure de Bérénice.

Dans l'Inde primitive, on pratiquait sur les femmes enceintes, au cinquième mois de la grossesse, le « rite de la raie des cheveux » (siman ta Kama). Le brahman divisait la chevelure de la patiente en deux masses symétriques, à l'aide d'un piquant de porc-épic portant trois anneaux blancs. Les femmes annamites d'aujourd'hui pratiquent encore la séparation des cheveux.

L'utilisation magique de la chevelure procède évidemment de ses rapports avec la vie, qu'elle symbolise. On se souvient de l'histoire de Samson, privé de sa force en même temps que de sa chevelure. En un mot, autant la chevelure sacrifiée volontairement représente un bon placement (par sublimation des forces instinctives), autant elle se prête à la castration symbolique.