— Pantacle — Dans cet article un peu long, nous avons cru devoir réunir ce qui concerne les charmes, les amulettes, les talismans, les pantacles, les fétiches, etc., ce qui en rendra l'exposé plus clair. Au point de vue classificatoire, il faut d'abord distinguer le gris-gris des populations primitives. Sous la forme de biang, de mkissi et autres noms, ces gris-gris sont des figurations sculptées du protecteur de la tribu.
La vertu magique s'en comprend par conséquent aussi aisément que celle des effigies de saint Christophe appliquées sur le tableau de bord des voitures automobiles. Certains gris-gris ont une valeur plus spécifique en ce sens qu'ils protègent plus spécialement des maladies. On les appelle aussi
charmes ou médecines.

La seconde appellation se comprend d'elle-même puisque le sorcier s'appelle aussi, dans les civilisations primitives explorées par les Blancs,
medicine-man. Quant à la première appellation, elle montre par ses propres moyens qu'elle dépasse le cadre des primitifs ; son étymologie (carmen) indique que des rites incantatoires président à sa confection et que la pratique s'en est conservée au-delà de la période romaine En fait, elle s'est conservée jusqu'à -nos jours.

Le gris-gris contient des éléments animaux, végétaux ou minéraux qui ont pour but la protection. Ils se portent suspendus au cou, au poignet ou en toutes sortes d'endroits du vêtement. Il y a aussi des gris-gris qui protègent l'habitation ou le bétail. Le vocabulaire latin a donné à l'ensemble des objets de ce genre le nom
d'amuletum, qui a donné le mot amulette ; du portugais, par contre, est venu le mot fétiche (de faticeira, sorcière), se rattachant donc indirectement à la notion de fatum au sens de sort. On voit que tout cet ensemble, avec des variations de nuances ou de qualité dues aux circonstances ou aux conditions culturelles locales, forme une unité.

L'amulette, pour prendre génériquement les mots et objets désignés ci-dessus, a donc la valeur d'un protecteur passif contre les « influences ». Le
Talisman, au contraire, nous introduit dans la magie active, mais encore protectrice à beaucoup d'égards. Le mot hébraïque Tselem, image, peut avoir eu le sens d'image magique ou consacrée ; c'est, en tout cas, ce sens qu'on retrouve dans le mot grec Telesma (voir le texte de la Table d'Emeraude), qui a d'ailleurs la double signification d'objet consacré et de prinopérant.
Le mot a été colporté par les Arabes, qui en ont fait T
alasim (et au singulier Tilasm). Alors que l'amulette utilise une chose naturelle (herbe, poudre) et laisse agir sa vertu propre, le talisman résulte d'une spéculation intellectuelle et d'une fabrication magique. Il est volontairement dirigé sur un but défini et n'est donc valable que dans ce but. La confection d'un talisman requiert donc une connaissance des analogies et de leurs correspondances magiques.

Le
Pantacle est, au contraire des éléments qui précèdent, un véritable outil d'action. Le radical pan, qui figure dans ce mot, indique qu'il est d'essence universelle, qu'il est axé sur le macrocosme. L'astrologie et son symbolisme macrocosmique tient d'ailleurs dans le contenu des pantacles une place importante. Le pantacle est donné comme un émetteur fluidique ; aussi le conditionnement de son influx doit-il se faire selon les règles d'un art complexe qui tient compte à la fois

1°) de la valeur symbolique et magique des chiffres, lettres et mots y inscrits ;

2°) de la valeur symbolique et magique de sa forme et de la forme des dessins y inscrits ;

3°) du moment où le pantacle est dressé ;

4°) de l'état de préparation dans lequel se trouve celui qui le dresse du point de vue des harmonies fluidiques convenables. Le
Pectoral, qu'on trouve couramment sur les momies égyptiennes et que portait le Grand Prêtre des Hébreux, est un pantacle dont la description se trouve dans la Bible si minutieusement qu'il faut bien supposer l'importance de chaque détail.

Se rattachant encore aux amulettes, talismans et pantacles, outre le grand Pectoral, les
Téraphims (tala, guérir), pantacles de divination et de protection magique tout à la fois, affectant des formes humaines et dont il est plusieurs fois question dans les Écritures. Les Phylactères sont des rouleaux de parchemin portant des inscriptions diverses ; chez les Hébreux, les textes inscrits dans le Phylactère sont les passages suivants de l'Ancien Testament :

Exode XIII, 1-10 ; Exode XIII, 11-16, Deutéronome VI, 4-9 ; Deutéronome XI, 13-21. Ce rouleau est suspendu à l'un des montants de la porte de la maison. Le
Palladium est une statuette protectrice, mais peut aussi, en pays israélite, se réduire à une inscription ; il protège généralement une ville contre toutes sortes de fléaux. Les Golems sont des statues magiques animées (voir ce mot).

Le
Yantram, figure dans laquelle les Hindous insèrent un mantram. Le Kayac, formule ou mantram enfermé dans un étui et qui a une triple valeur, magique, ésotérique et protectrice. Les sceaux et formules chinoises• comportant presque toujours des trigrammes symboliques (voir au mot PA­KOI) Les Clous magiques, les lames talismaniques, pantacles d'anathème, anneaux magiques, etc... relevant aussi de l'amulette ou du pantacle. Pour leur confection, nous ne pouvons mieux faire que de renvoyer le lecteur au livre parfaitement documenté de Jean Marques-Rivière : Amulettes, Talismans et Pantacles.

Par ailleurs, on peut se poser la question de l'efficacité de tout ce matériel magique. Nous ne pouvons consacrer de longs développements à cette question qui le mériterait. Proposons pourtant quelques sujets de réflexion. Que l'objet magique (bénéfique ou maléfique) soit effectivement porteur de « quelque chose », cela semble possible : qu'on se rappelle le tragique destin des différentes personnes ayant participé aux fouilles, ayant violé la sépulture de Tout Ankh Ammon. Nous pourrions citer quelques faits concernant un scarabée d'or provenant d'Égypte ; mais nous préférons relater l'expérience suivante, faite à Paris, devant un public de plusieurs centaines de personnes.

Nous accompagnions une amie à une conférence sur la psychométrie, à la Salle de Géographie à Paris. Cette amie, qui revenait de Laponie, où elle avait passé une année, portait au doigt une bague qu'un sorcier lapon lui avait donnée. Cette bague n'avait, dans sa forme, rien de très particulier, sinon qu'elle était dans le pur style lapon. Cette bague fut soumise, enfermée dans une enveloppe — et parmi une centaine d'autres enveloppes contenant les objets les plus variés — au psychomètre.
Ce dernier prenait les enveloppes une à une, dans la grande corbeille où elles avaient été mêlées. Lorsqu'il en arriva à celle qui nous intéresse (et personne, pas même nous, ne pouvait savoir si c'était cette enveloppe-là), après l'avoir saisie par un coin, il la laissa tomber à terre avec un recul et une physionomie angoissée. « Cet objet est terriblement dangereux, dit-il après quelques instants. C'est un objet d'envoûtement, venez le reprendre et débarrassez-vous-en tout de suite.

Je ne sais pas comment parce que je ne connais rien à ces choses-là, mais emportez cela, tout de suite, tout de suite... » Notre amie avait reçu cette bague à titre de cadeau « amical » et ignorait tout ce qui avait pu être pratiqué sur cet anneau. Ajoutons — mais cela n'a qu'un intérêt anecdotique — que peu crédule, cette amie ôta simplement la bague en rentrant chez elle, puis la rangea dans un coffret qui contenait, parmi quelques menus objets, la photographie de son mari — auquel il est arrivé depuis la série de catastrophes la plus caractérisée.

 Pantacle du Dragon
(d'après le Livre Secret des Grands Exorcismes, de l'abbé Julio).

 

Qu'il existe des objets porte-malheur, cela paraît difficile à admettre d'un point de vue positif. Pourtant des récits nombreux et précis semblent le prouver. Ne retenons de notre enquête personnelle sur ce sujet qu'une constatation centrale. Il ne s'agit pas toujours d'objets « chargés », mais souvent d'objets banaux. Cela nous incite à voir, dans la question des amulettes et pantacles, une base essentielle à préciser : les amulettes utilisent les vertus naturelles des plantes ou autres éléments. Les pantacles reconstituent le matériel permettant d'utiliser ces vertus naturelles. Y a-t-il donc des vertus naturelles, qui ne soient point physico-chimiques ?

L'examen doit porter sur la substance employée, sur les inscriptions gravées, etc... Ici, nous nous limiterons à considérer la forme, qui se prête mieux à un exposé rapide parce qu'elle est plus suggestive. Ne peut-on pas dire que la forme
aérodynamiquea une vertu propre à vaincre la résistance à l'avancement ?
N'allons pas dire que cette forme a été rationnellement calculée : tout le monde sait qu'une seule méthode permet de rechercher l'aéroà savoir celle qui consiste à mettre des maquettes dans une soufflerie et voir ce que cela donne... Si, au lieu de considérer le fluide « air » et le but « vitesse», nous transposons le problème au niveau du fluide psychique par exemple (si l'on appelle ainsi le « milieu » de la transmission de pensée), est-il inconcevable qu'il existe aussi des formes plus ou moins « aérodynamiques », des formes condensateur, des formes obstacles ?... Ce n'est qu'une hypothèse.

Mais sur le plan expérimental, les choses vont plus loin. Chaumery et Belizal, dans un
Traité de Radiesthésie, signalent que les formes ont, par elles-mêmes, des émissions spécifiques. Telle forme, tracée sur papier, donne au sujet possédant le sixième sens une impression spécifique, différente de celle que donne, dans les mêmes conditions, toute autre figure.

Ces auteurs, après avoir étudié les figures géométriques courantes, hasardent même des hypothèses intéressantes sur le flair du chasseur, la sensibilité du gibier à la présence invisible du chasseur, et aussi sur le rôle protecteur des statues de l'île de Pâques. Ne retenons que la vertu fluidique spécifique des formes et demandons-nous s'il n'y a aucun rapport entre ce fait et leur vertu magique utilisée dans les pantacles.  

 

Il n'y a pas de question qui résiste à l'examen scientifique, si cet examen est conçu par un expérimentateur sachant de quoi il s'agit. Le jour où les savants en seront instruits, ils auront beaucoup de choses intéressantes à nous faire comprendre (voir aux mots Magie, Envoûtement). Ce n'est pas à dire que les sorciers soient tous géniaux. La plupart du temps, ils ont dû adultérer singulièrement la base valable de l'action des pantacles et amulettes, faute de la connaître. Nous n'en sommes pas, nous-mêmes, à la connaître avec certitude, pas plus que la médecine n'en est encore à connaître en quoi réside la vertu dormitive de l'opium ou le physicien la nature du magnétisme