La mythologie gréco-latine donne à l'abeille le titre de Nourrice de Jupiter. Des ruches d'abeilles étant dans l'antre de Dictée et risquant d'y être dérobées, Jupiter lança ses foudres et fit gronder son tonnerre contre les sacrilèges. Elles symbolisent l'activité, la vigilance et la pureté. En France, quand le maître d'un rucher meurt, il est de coutume de voiler chaque ruche d'un crêpe et de prononcer à voix basse : « Le maître est mort », sinon les abeilles meurent aussi — ou du moins s'enfuient.

Des paysans sensés et objectifs, interrogés sur ce point, prétendent que c'est rigoureusement exact. Par contre, dans les grands élevages apicoles, on ne constate rien de semblable, mais il est évident que les conditions ne sont pas absolument comparables. Comme nous ne savons rien du psychisme des abeilles, il est superflu de rejeter un fait de ce genre sous prétexte que nous ne le comprenons pas — alors que nous admettons, parce que nous avons l'impression de les comprendre, des faits beaucoup plus extraordinaires concernant le chien ou le chat.

L'Empire français a pris, on le sait, l'abeille pour emblème. Certaines compagnies d'assurances aussi. Tout cela relève à la fois d'une symbolique primaire dérivée du naturalisme moderne, et d'un fonds commun apparenté aux considérations qui précèdent. L'abeille fournit mystérieusement le miel, nourriture pure et parfumée d'où l'on tire l'hydromel, boisson des Dieux. A ce titre, elle est à la fois le travail sacré d'affinement et de distillation.

Les animaux se divisent en effet en plusieurs classes du point de vue de l'imagination collective. Ceux qui tuent (carnivores), ceux qui mangent sans élaborer (rongeurs), ceux qui ne mangent ni n'élaborent (poissons), ceux qui mangent et élaborent (bovidés, etc.), ceux qui ne mangent pas et élaborent (abeilles, etc.). On comprend par là que depuis les temps les plus reculés (magie de l'Inde antique), les véhicules sacrés soient, outre l'eau : le miel, le lait et le beurre.

En un mot, l'abeille symbolise le travail, mais singulièrement sa forme la plus noble (elle est nourrice des Dieux) : la distillation des essences et la synthèse en une nourriture parfaite.