— Graphistique — La graphistique est la science des écritures. Elle a été définie par le Dr Frétigny et sa méthodologie fixée par la Société Française de Psychosociologie. Cette science comporte notamment ce qu'on appelle couramment la graphologie, science et art de découvrir les caractéristiques d'une personne à partir des caractéristiques de son écriture.
La graphistique comporte schématiquement les parties suivantes :

1°) La graphographie ou étude descriptive des écritures (alphabets divers, lettres gravées, typographie, calligraphie, etc., etc...).

2°) La graphotaxie ou étude des groupements, filiations et classifications des caractéristiques graphiques de tous ordres,

3°) La graphométrie, ou étude géométrique quantitative des caractères et autres éléments mesurables de l'écriture.

4°) La graphopsychologie (ou graphologie individuelle telle qu'on l'étudie généralement sous le nom de graphologie).

5°) La graphosociologie ou étude des caractéristiques de groupes (écritures d'un pays, d'une classe sociale, d'une profession, d'un âge, d'un sexe, d'un milieu, etc...). et des variations de ces caractéristiques au cours du temps (évolution des écritures manuscrites et typographiques des différents siècles de l'histoire, etc...).

6°) La graphologie proprement dite, ou étude des lois résultant des études précédentes.

7°) La graphopraxie, ou étude des méthodes pratiques d'application des connaissances précédentes (méthodes analytiques, synthétiques, symboliques, etc...).

8°) La graphopathologie étude des écritures correspondant à des troubles caractérisés.

9°) La graphothérapie ou étude des méthodes de modification des caractères et des aptitudes par la modification volontaire de l'écriture.

10°) La graphislégale {identification d'écritures, etc...).


Nous n'avons exposé cet ensemble que pour montrer comment se situe la graphologie classique. D'autre part, nous n'abordons la graphologie que pour lever un certain nombre de malentendus auxquels elle donne lieu. Peuvent faire partie des sciences « occultes » :

1°) la voyance prenant l'écriture pour support.

2°) L'examen psychométrique (voir ce mot) des écritures.

3°) Les considérations symboliques concernant les rapports existant entre les caractéristiques d'une écriture et les caractéristiques du scripteur d'une catégorie d'écritures et du groupe humain auquel elle correspond). En ce qui concerne ce dernier point, nous renverrons le lecteur au mot MORet ne préciserons que les aspects suivants à titre d'indication sommaire :

Les règles morphologiques et symboliques qui président à l'interprétation des formes du corps humain et de leurs rapports avec le tempérament et le caractère (voir Typologie) s'appliquent aussi à l'écriture. Ainsi, on peut déceler dans l'écriture les signes du tempérament sanguin, bilieux, nerveux, lymphatique ou du caractère lunarien, mercurien, etc...

Ces signes procèdent eux-mêmes de ce symbolisme. Ainsi, le Martien pur écrit à grands coups de traits rectilignes appuyés et massués, le lymphatique trace des lettres à contours mous, avachis vers le bas, le Mercurien pur a un tracé fin et sinueux, etc... De sorte que si l'on se pénètre bien du symbolisme dit planétaire et du symbolisme des tempéraments, on peut assez aisément déceler dans une écriture ce qui revient à l'un ou à l'autre mode — et en tirer les conclusions psychologiques correspondantes.


Cette méthode paraît simple. En fait, elle est fidèle, parce qu'elle mène à des vues plus synthétiques que ne le font les méthodes remondes signes particuliers à un ensemble incertain Mais elle est difficile d'application, car elle demande une parfaite connaissance du symbolisme typologique.

Enfin, elle est insuffisante, parce que parmi les individus ayant le même tempérament et le même caractère, il s'en trouve de bien divers : celui-ci réagit à un complexe grave, cet autre est angoissé pour une raison quelconque, cet autre souffre d'un complexe d'infériorité parce qu'il a une jambe plus courte que l'autre... et tout cela transforme sinon le mode caractériel de base, du moins le comportement de fait.

La graphologie symbolique se conçoit à partir de systèmes de référence extrêmement variés. La diversité des plans sur lesquels on trouve des correspondances montre qu'une telle graphologie est possible à partir de la symbolique du Zodiaque, de la symbolique du yin et du yang, ou de toute autre. Aussi est-il impossible d'en dresser même la nomenclature.

Il est intéressant de signaler pourtant que certains graphologues excellent à interpréter les figures qui se forment fortuitement dans le graphisme (queues de croches, patins à glace, fouets, hélices, croix latines, etc.). Ces figures ont, du moins pour ceux qui connaissent le symbolisme « par le dedans », la valeur d'un langage exprimant les aspects les plus profonds du personnage.

La graphologie classique doit maintenant retenir notre attention. On croit généralement qu'elle est l'art de tirer des déductions sur la volonté à partir de la forme des barres de t, de détecter la sensualité à partir du volume des boucles de jambages, etc., etc... La basse vulgarisation a contribué à répandre cette caricature, et quelques mises au point sont indispensables avant toute initiation.

— En premier lieu, la graphologie n'est pas l'étude exclusive de la forme des mots écrits. Elle considère aussi les blancs (les marges, les en-têtes, les bas de pages, l'aération des pages, l'espace entre les mots, l'ordonnance générale, la marge centrale de Trillat, les cheminées de Bernson, etc...). Grosso modo, on peut dire que les blancs sont l'expression de l'inconscient du scripteur, et de son attitude inconsciente à l'égard de lui-même, de la société, de l'autorité, etc...

— On peut distinguer, dans les blancs ou les lettres, ou les mots ou les lignes, des signes, et ces signes peuvent assurément être décrits, répertoriés et analysés. Mais il faut se résoudre à accepter pour certain qu'un signe isolé ne signifie rien. De même qu'en médecine, le symptôme « fièvre » ne permet d'établir aucun diagnostic, de même en graphologie — un signe demeure un élément d'appréciation.

— Ce qui doit être considéré comme significatif dans une écriture, c'est un ensemble de signes. Cet ensemble a une signification, mais aucun des signes qui le composent n'est indispensable pour que l'ensemble conserve sa signification.
De même qu'en médecine, telle affection intestinale se caractérisera par une légère fièvre, de la diarrhée, une douleur abdominale, des maux de tête, mais que le diagnostic sera tout de même celui-là si le malade ne souffre pas de la tête, ou s'il n'a pas de fièvre — de même en graphologie, les groupes de signes ayant une signification donnée n'ont pas de contenu consistant.
Il arrive même qu'une même caractéristique psychologique soit la conclusion légitime de plusieurs combinaisons graphiques possibles, n'ayant rien de commun entre elles.

— Les caractéristiques primaires découvertes par l'analyse des groupes de signes réagissent les uns sur les autres. Autrement dit, les caractéristiques ne s'additionnent pas, mais se combinent — en donnant quelquefois des résultats paradoxaux. Le plus difficile en graphologie n'est pas de détecter les matériaux d'une personnalité, mais de remonter le personnage. C'est dire qu'il est vain de vouloir faire de la graphologie si l'on n'est pas, en premier lieu, très psychologue.

— Ces différents préliminaires étant fixés, on peut encore dire de la graphologie classique qu'elle exige, outre un tempérament de psychologue, une sérieuse culture. En effet, et cela tombe sous le sens, une personne dénuée de toute culture ne peut absolument pas détecter les problèmes centraux de scripteurs tels que littérateurs, artistes, savants. Leur analyse restera nécessairement sommaire et sans intérêt par rapport au véritable noyau de la personnalité étudiée.
Par ailleurs, toute une série de considérations récentes sur la psychologie de l'inconscient (psychanalyse, etc.) fait qu'il faut être un peu psychiatre pour démêler le montage psychologique des individus un peu complexes.

Tout cela rend un peu superflue l'initiation sommaire qu'il serait agréable d'inclure ici. Tout ce qu'on peut dire est que l'écriture est la trace du geste de la main — et c'est, sous la forme d'une lapalissade, une vérité centrale de la graphologie bien comprise. Par exemple, celui qui donne, qui s'ouvre facilement aux autres, qui a des élans intenses, a le geste familier d'étendre le bras vers la droite : c'est le geste du don, de l'accueil.

Dans son écriture, les traits qui vont naturellement vers la droite et le haut auront une ampleur moins freinée. Par exemple encore, le personnage à triste figure, mou et mélancolique, aura pour geste naturel de laisser tomber sa main. Dans son écriture, tout ce qui peut tomber tombe, Celui qui ne peut pas entrer dans une idée sans circonlocutions, hésitations et scrupules, aura de la main un geste indécis et contourné qui s'inscrit sur le papier en fioritures ou en complications.

A défaut de connaître tous les signes et leurs combinaisons, et pour ne pas commettre la sottise de penser quoi que ce soit d'un personnage à partir de l'inclinaison de ses lignes et de la forme de ses barres de t, on peut toujours, devant une écriture, refaire de la main le geste qui l'a tracée. Lorsqu'on fait cela plusieurs fois et avec concentration, on apprend plus de choses que dans les livres.

Disons enfin que les livres sont, en général, mauvais conseillers. On n'apprend aucune des sciences de l'homme dans les livres, pas plus la graphologie ou la médecine que l'art culinaire. Pour apprendre, il faut beaucoup penser et sous la conduite d'un maître intelligent, et n'aider ses leçons de lectures que dans le but de se donner de nouvelles occasions de penser en pratiquant. Tout le reste est littérature.