Présentation
Plus que tout autre médecin des temps
modernes, Paracelse appartient à l'histoire de la culture : concevant déjà le monde comme nous, il a
porté son action dans un domaine qui est presque entièrement réservé, de nos jours, aux
spécialistes.
Je veux montrer l'esprit universel de sa
méthode et de son travail, sans ajouter à la littérature bibliographique ou médicale.
Frédéric
Gundolf
Philippe Aurélien Paracelse Théophraste
Bombaste de Hohenheim naquit le 1e novembre 1493 à Einsiedeln, en Suisse, d'une famille noble tombée dans
la pauvreté. Son père, lui-même chimiste et médecin cultivé, éleva l'enfant avec soin et lui communiqua de
bonne heure ses propres connaissances.
Paracelse cherchait la nature dans le vaste
monde et, dans la nature, les forces et les sucs, les sources et les raisons, les plantes et l'atmosphère;
c'est pourquoi il passait à côté des chemins battus, n'ayant pas les mêmes buts que les autres écolâtres;
il ne fit qu'effleurer les universités, les centres des mœurs, de la prospérité et du faste, bref, tout ce
que la règle et la forme avaient déjà déguisé.
Avant tout, il exhumait les secrets du
peuple, sondant la misère nue, étudiant les sombres superstitions d'autrefois, les usages rares ou disparus
et les ressources des temps les plus reculés, s'intéressant même aux choses proscrites ou répugnantes comme
la populace, les Bohémiens, les sorcières, les Juifs et les bourreaux.
Il explorait toutes les régions et toutes
les couches du peuple où la souffrance était plus violente et plus primitive et où se manifestaient encore
librement, négligés par les lumières et la suffisance des lettrés cultivés et vertueux, un savoir
instinctif, une prescience intuitive et une vision divinatoire des rapports étroits entre les trois règnes
de la nature, fussent-ils révélés même sous la forme de folie, d'évocation de fantômes, de sorcellerie ou
de ces bruits que l'on n'osait se transmettre qu'à voix basse.
Paracelse réintroduisit ce savoir souterrain
dans sa pratique et dans le corps de ses idées médicales. Son nomadisme expérimental n'était pas qu'un
broutement d'herbe à grande surface, mais un réveil des profondeurs assoupies.
Il parcourut ainsi pendant de longues années
l'Europe dans toute son étendue, non comme un être qui voyage pour son plaisir ou ses affaires, mais comme
un véritable natif des climats les plus divers, prenant part à la vie du peuple.
Ces pérégrinations et cette conception du
voyage sont extraordinaires et uniques pour l'époque. La foule étonnée ayant coutume d'expliquer et
d'interpréter l'inouï d'une façon familière, fit de ce chercheur que son démon pressait à expérimenter, un
magicien volant.
Julius Hartmann (1903) , biographe
scrupuleux de Hohenheim, a caractérisé déjà cette déformation où la calomnie frivole et la frayeur
qu'inspirait cet être insaisissable ont une égale part.
Le voyageur explorant la nature a été pris
pour un sorcier, le chimiste pour un alchimiste, le médecin qui apprenait à connaître à sa façon les
maladies et les remèdes est devenu un guérisseur miraculeux.
Ainsi l'on rend encore hommage à son génie
secret — car Paracelse fut un génie dans toute l'acception du mot : une force de la nature, d'essence
spirituelle et comme possédée…
Extrait de
l’introduction